Découverte du Yi King

Dés le réveil, en allant chercher mon premier café, je croise l’énigmatique étranger appelé le monsieur par Graciela.

Il était assis sous le petit patio du ranch et buvait un café sur une table encombrée d’un gros livre, de papiers, de crayons, d’une jolie bourse en cuir.

-Salut, ça va ?

-Très bien me répondit-il, le café est bien chaud !!

Après avoir salué et bu mon premier café avec toute la maisonnée, je venais rejoindre le monsieur qui m’accueillait en souriant.

-ça y est, tu as donné du grain aux poules !

De quelles poules voulait-il parler, je ne m’occupais certes pas du poulailler du ranch.

-Tu trouves pas que la « Graciela » ressemble à une poule ?

C’est vrai que cette jeune fille, avait tendance à hocher de la tête en marchant. Je me suis mis à rire en lançant :

-Alors t’es Monsieur Qui ?

-Non pas Monsieur mais El Monsieur en prenant la voix rauque, profonde, de La Dona.

-Je m’appelle Pratos !

-Pratos ça n’existe pas !

-Ah si je te promet et je suis français comme toi, d’origine, mais c’est mieux de continuer à parler en mexicain.

Pratos venait régulièrement au Mexique depuis onze ans, il avait fait de longues études en France, Psychologie, Philosophie avant de tout quitter. Préférant faire des petits boulots et voyager pour vivre sa passion de l’anthropologie.

-Tu comprends à part Freud et Marx, on ne nous apprend rien.

– C’est quoi ce gros bouquin ?

-Le Yi King me répondit Pratos, c’est un Holy Book , c’est très vieux et on s’en sert comme d’une boussole, ça te dit si tu dois avancer, reculer et dans quelle direction et à quelle vitesse.

-Me voyant intéressé, il se mit à lire de longs passages du Livre des transformations.

Ainsi Pratos et moi devenions amis, il me recommanda d’être très prudent avec Maria, en me disant qu’il comprenait ma vision des choses mais que lui préférait ne pas faire plutôt que mal faire. Nous avons passés la journée à discuter en nous promenant l’après-midi et méditer ensemble sur la pyramide au coucher du soleil.

Le lendemain, je devais quitter l’endroit pour revenir à Puerto-Vallarta et m’occuper de mon école de français.

3 jours plus tôt, j’étais très satisfait de mon sort de professeur sous les tropiques, à présent, je savais que je ne pourrai plus y rester.

Nous nous reverrons me dit Pratos, étudies le Yi King, car la prochaine fois nous en aurons besoin et nous irons vers ces chemins que tu as vu lorsque nous avons médités ensemble.

Assis dans le bus de retour, je réfléchissais à ce nouvel avenir qui se profilait et me donnait une nouvelle force.

Je décidais de fermer l’école, de partir aux Etas-Unis gagner de vrai sous, puis revenir dans le Chiapas pour y vivre.

Je pensais qu’une bonne année s’écoulerait avant de pouvoir réaliser mon projet, mais en réalité il s’écoula plus deux ans avant de retrouver mon endroit ; j’avais eu le temps de bien avancer dans mon étude du Yi King.

Claude Sarfati (1982)

Les deux ordres de représentation des trigrammes du Yi King

Nous devons d’abord observer la succession des trigrammes par FUXI, et qui existait donc déjà à l’époque de la rédaction du livre des transformations, sous la dynastie Zhou.

Cette succession est appelée ordre du ciel antérieur ou ordre antérieur au monde. Les différents trigrammes sont rattachés à la rose des vents de la manière suivante ( on remarquera que les Chinois placent le sud en haut ) :

K’ien : le ciel et K’ouen : la terre, déterminent l’axe de direction nord-sud. Puis vient la relation Ken ( la montagne ) et Touei ( le lac ).

Leurs pouvoirs sont mis en rapport parce que le vent souffle de la montagne vers le lac et que les nuages montent du lac vers la montagne.

Tchen ( le tonnerre ) et Souen ( le vent ) se renforcent mutuellement lorsqu’ils apparaissent.

Li ( le feu ) et K’an ( l’eau ) sont opposés de façon irréconciliable dans le monde des phénomènes. Toutefois, dans les relations antérieures au monde, leurs effets ne se contrarient pas mais se maintiennent en équilibre.

Quand les trigrammes se mettent en mouvement, on observe un double mouvement : D’une part, le mouvement habituel ( dans le sens des aiguilles d’une montre ), qui s’additionne et se répand dans le cours du temps et par lequel sont déterminés les événements qui tombent dans le passé. D’autre part, un mouvement contraire, rétrograde, qui se replie et se contracte dans le cours du temps et par lequel se forment les germes de l’avenir.

Cela peut s’exprimer dans l’image suivante : Si l’on comprend la manière dont l’arbre se concentre dans la graine, on comprend le déploiement futur de la graine en arbre.

Voyons maintenant la succession des trigrammes selon l’ordre du roi Wen, appelée succession du ciel postérieur ou ordre intérieur au monde.

Les trigrammes sont ici sortis de leur ordre d’opposition par couples et présentés selon la succession temporelle de leur apparition dans la manifestation cyclique de l’année.

L’année commence à manifester l’action créatrice dans le signe Tchen ( l’éveilleur ), qui est placé à l’Est et signifie le printemps.

Le printemps naît : Les germes et les bourgeons apparaissent dans la nature. Ce moment correspond, dans la journée, au matin. Cet éveil est attribué au signe Tchen ( l’éveilleur ), qui jaillit de la terre sous forme de tonnerre et de force électrique.

Puis viennent les douces brises qui renouvellent le monde végétal. Ce moment correspond au signe du doux, du pénétrant, Souen. Souen, a pour image, d’une part le vent qui dissout la glace rigide, d’autre part le bois qui se développe organiquement. L’action de ce trigramme est de faire que les choses se coulent en quelque sorte dans leur forme, se développent et croissent pour acquérir la forme préfigurée dans le germe.

On arrive alors au point culminant de l’année, la mi-été, qui correspond dans la journée à midi. C’est la place du trigramme Li ( ce qui s’attache ), la lumière. Ici les êtres s’aperçoivent mutuellement. La vie organique végétale passe au stade de conscience psychique. Il convient de noter que le signe Li occupe la place du sud qui, dans l’ordre antérieur au monde, était occupée par le trigramme K’ien, le créateur. Li, se compose essentiellement du trait inférieur et du trait supérieur qui se sont inclus le trait central de K’ouen.

Pour parvenir à une parfaite compréhension, il faut toujours se représenter l’ordre intérieur au monde comme transparent, avec l’ordre d’avant le monde luisant à travers lui.

Survient ensuite la maturité des fruits des champs qui est assurée par K’ouen, la terre, le réceptif. C’est l’époque de la moisson, du travail en commun.

Elle est suivie de la mi-automne sous le signe du joyeux, Touei, qui conduit l’année à la maturité et la joie, comme le soir le fait pour le jour.

Vient alors la saison rigoureuse ou doit se manifester ce qui a été accompli. Il y a du jugement dans l’air. Les pensées retournent de la terre au ciel, au créateur, K’ien. Un combat se livre. C’est au moment précis ou le créateur établit son règne que l’action de la puissance obscure est la plus forte à l’extérieur. C’est pourquoi l’obscur et le lumineux s’excitent mutuellement. Aucun doute sur l’issue de la lutte, car c’est seulement le résultat final des causes préexistantes qui vient subir le jugement du créateur.

L’hiver s’avance ensuite, dans le signe de K’an ( l’insondable ), situé au nord : à la place de la terre dans l’ordre antérieur au monde. K’an à pour symbole le ravin.

Vient alors le travail qui consiste à engranger les récoltes. L’eau ne refuse aucun effort mais se tourne toujours vers les endroits les plus profonds, ce qui fait que tout afflue vers elle ; de même, l’hiver dans le cycle de l’année et minuit dans celui du jour sont l’heure ou l’on recueille. Le trigramme Ken, l’immobilisation, dont l’image est la montagne, contient un sens mystérieux. Ici, dans la tranquillité d’une profonde retraite, la fin de toutes choses est intimement liée dans la graine à un nouveau commencement.

Ainsi le cycle est fermé. Tout comme le jour ou l’année dans la nature, chaque vie, bien plus, chaque cycle d’événements vécus est un enchaînement qui relie l’ancien au nouveau.

Cela permet de comprendre pourquoi dans plusieurs des soixante-quatre hexagrammes, le sud-ouest signifie le temps du travail et de la communauté, et le nord-ouest le temps de la solitude, quand l’ancien est achevé et que le nouveau est commencé.

Si nous superposons les deux « cartes » du sage Fou Hi et du roi Wen, nous obtenons la roue des soixante quatre hexagrammes.

En observant maintenant, la disposition des hexagrammes dans la roue, nous constatons, qu’il y a une rupture brusque au trente et unième et au soixante-troisième hexagramme.

C’est une boucle qui rappelle le Tai-ki, symbole du Yin et du Yang.

Pakoua

Cette figure évoque toute la philosophie du Yi King : rien n’est jamais fixe, tout se transforme. Le Tai-Ki exprime l’aspect dynamique des opposés qui permettent d’engendrer le mouvement et donc la vie.

Le Yi King est, symboliquement, un livre qui exprime les transformations de la nature. Etres humains ( microcosme ) faisant partie de cette nature, les anciens Chinois ont codifié un système remarquable, permettant de connaître la graine et le développement d’une situation.

Claude Sarfati

Le livre des transformations

                                                   

L’idée fondamentale du Yi-King est la transformation, le regard ne se focalise plus sur les situations particulières qui commencent et se terminent, mais sur le principe unique, la loi éternelle qui est à l’œuvre dans la transformation de chaque situation.

Cette loi du TAO, le flux éternel, englobe et pénètre tout, et ses manifestations dans le monde de la forme sont le jeu des deux forces Yin et Yang.

Il devient clair alors que toutes les situations qui surviennent dans le monde visible sont l’effet d’une image ou d’une idée venant du monde invisible. Le livre des transformations nous entraîne au-delà de toute théologie comme de tout système philosophique et sa fréquentation est un moyen de choix pour apprendre à lire l’ordre de l’Univers et pour établir l’harmonie en nous-mêmes.

En prenant connaissance des lois qui régissent l’ordre de l’univers rien ne peut plus nous surprendre ni nous affecter, car nous prenons conscience qu’il n’y a pas d’acquisition définitive, tout commence et se termine, l’apogée contient les germes du déclin, la défaite prépare la victoire future.

Il faut donc nous garder de nous identifier à la situation heureuse ou malheureuse dans laquelle nous vivons pour tenir compte, toujours, de la présence invisible du pôle contraire déjà en œuvre.

La transformation, tel est le secret de la sagesse millénaire contenue dans le Yi-King.

 

Source: Le guide marabout du Yi-King (1982)

Claudine ROLAND

Editions MARABOUT

Amitiés

Claude Sarfati

Célébration du Yi King

yi-king

J’attendais d’avoir le « Le guide de la voyance » entre les mains pour donner mes impressions sur mon blog.

Le livre D’Anne Placier est de très bonne qualité…

Il s’articule autour des différentes techniques utilisées par les « voyants » référencés.

En introduction à chaque rubrique (technique associée), l’auteure explique comment celle-ci est utilisée et ce que l’on peut en attendre.

Je suis particulièrement heureux de découvrir la création d’une rubrique intitulée : Yi Jing.

La consultation que j’ai échangé avec Anne Placier à été scrupuleusement la même dans la forme: durée, médothologie, etc.

Que celle que je propose à toutes celles (ceux) qui me consultent.

Son commentaire sur mon « travail » est objectif, compte-tenu qu’elle reprend le plus souvent des passages de sa consultation en écrivant mes propres mots.

Je suis très content de partager cette rubrique avec Pierre Faure **** pour qui j’ai beaucoup d’admiration.

Merci Anne Placier  pour avoir consacré un espace dans votre livre à la pratique du Yi Jing qui est encore peu connue en France et espérons que cela donnera une nouvelle impulsion à la découverte du livre des Transformations.

Pour partager ce moment de joie, je vous propose la B.O du film de Wong Kar Wai :

In the mood for love.

La musique nous réunit dans nos différences, les images de ce film montrent avec une harmonie bien chinoise les interrogations que nous partageons tous :

La vie, La mort, L’amour, La souffrance,Le doute, La solitude, Les rencontres, La foi, La peur, La joie, etc.

Et puis L’amour, surtout et avant tout.

Nous aurons toujours des questionnements, il existera toujours des voyants avec ou sans étoile*

L’essentiel est qu’ils cultivent l’exigence, la sincérité, la bienveillance, les vertus du cœur.

Amitiés: Claude Sarfati **

La transformation c’est l’immuable

Etienne Perrot

Jeunesse du Yi King

Le plus ancien livre de la Chine en est aussi le plus moderne. Le Yi King offre à l’homme une clé intemporellement neuve pour pénétrer l’énigme de son destin.

Il nous entraîne, au-delà de toute théologie comme de tout système philosophique, à un degré de profondeur limpide ou l’oeil du coeur contemple l’évidence du vrai.

L’unité est le fondement de l’univers. Mais pour être fécond, le T’ai Ki (le grand commencement) doit se sacrifier en se dédoublant , car « à partir de ce qui est parfait, rien ne devient » « Ex perfecto nihil fit » (adage alchimique)

Le monde ne nous révèle que le jeu des deux forces polaires, le mâle et la femelle, le plus et le moins, leurs épousailles et les dix mille êtres qui en sont les fruits.

Le génial créateur des hexagrammes à su ramener cette variété sans limites à un schéma mathématique enserrant la création comme un réseau, ou plutôt formant la trame qui la supporte et l’anime.

Les soixante-quatre hexagrammes groupant deux à deux les huit trigrammes obtenus en combinant de toutes les manières possibles les deux énergies primordiales constituent une image complète du monde.

Mais, comme la rose du zodiaque, le déploiement circulaire des signes inventés par Fo Hi n’a rien d’une figure statique.

C’est une succession de maisons que parcourt toute existence, qu’elle soit organique ou inorganique, individuelle ou collective. Chacune de ces demeures se compose de six éléments ou traits qui lui confèrent sa structure propre…

Est-il impensable qu’après avoir longuement considéré le ciel et la terre, le monde intérieur et le monde extérieur, un homme ait su interpréter l’interaction des facteurs opposés dans chacune de ces « images premières » et fixer ainsi sa place par rapport aux autres dans l’univers ?

Si les physiciens sont parvenus à forcer le sanctuaire de l’atome, pourquoi ne pas admettre qu’au prix d’une longue attention quelqu’un ait pu passer plus loin que la multiplicité chaotique et en percevoir les lois constantes et universelles?

Semblable vision requiert plus qu’un entraînement de l’intellect: elle implique une transformation du regard, c’est à dire de l’être tout entier, car si l’oeil est simple, tout le corps devient lumineux…

…Un savoir aussi subtil ne peut, on le comprend, s’exprimer en langage conceptuel et logique. La vision du monde qu’il traduit est aux antipodes de celles de l’occident.

Notre science est analytique: elle isole soigneusement le phénomène étudié de son contexte.

Celle de l’Orient est synthétique: elle apprend à tout embrasser d’un seul coup d’ oeil et à lire les rapports.

Dans l’immense symphonie du monde nous nous appliquons à écouter les différents instruments l’un après l’autre, nous interdisant par là de saisir le sens de la partition.

Le sage Chinois, au contraire, laisse monter à la fois tous les chants, ne négligeant pas la plus humble note de timbale ou de triangle.

Chaque être, chaque instant pris dans son intégralité est un visage du tout, une facette de l’unité indescriptible.

La transformation, dit un commentateur, c’est l’immuable

Pour transmettre cette connaissance il n’est d’autre véhicule que l’énigme, expression paradoxale qui rassemble en elle-même les opposés

où par son absurdité apparente, oblige l’esprit à interrompre son discours linéaire, fait refluer le courant mental et le contraint à traverser des couches plus profondes, plus proches de ce centre indicible où les contraires célèbrent leurs noces éternelles …