C’est la vraie naissance (Arnaud Desjardins)

« Plus nous aurons donné de sens à notre vie, moins nous éprouverons de regret à l’instant de la mort. L’avantage de développer une conscience de la mort, c’est que cela aide à donner un sens à la vie  » 

                                                                       Le Dalaï-Lama

Matra en sanscrit signifie mesure, mais ce mot matra se retrouve dans meter en anglais qui veut dire « mètre », et se retrouve aussi dans materia, la matière.

Cette révélation se situe avant tout dans le cœur comme un sentiment qui transcende la mesure.

Et c’est pourquoi les enseignements spirituels, qui ont tant dit sur la pauvreté, emploient si souvent le mot « richesse » ou le mot « trésor », aussi bien dans les textes hindous que dans les évangiles, le sentiment d’être milliardaire même si les circonstances de la vie nous proposent la pauvreté. Mais  même un « milliardaire » en dollars peut sentir une limite à sa fortune. Nous avons quitté le monde dominé par la mesure et où tout est chichement limité. La mesure ne concerne plus que l’apparence, la surface, le relatif, mais pour nous, la souffrance de la limitation s’est effacée, remplacée par ce sentiment d’infinie richesse, non dépendant de nos avoirs matériels ni même de nos avoir subtils.

Quand bien même les possessions, les propriétés, les biens matériels nous seraient enlevés, quand bien même l’avoir subtil, l’amitié, l’amour, le respect, l’admiration, tout ce à quoi nous pouvons être attachés aussi nous serait enlevé et même, en apparence, remplacé par l’attaque, la critique, le mépris, demeure ce sentiment d’accomplissement, de plénitude, de perfection.

D’un point de vue, cette naissance est une fin et une fin définitive, pour l’éternité, qui concerne même des existences futures ou des états à d’autres niveaux de l’être, des états subtils, post mortem. Comme le mot « fana » chez les soufis, qu’on traduit communément par « extinction », signifie fin, achèvement, comme un feu qui s’éteint. Une illusion, c’est le mot le plus connu et c’est probablement le meilleur, a pris fin. Plus qu’un éveil, c’est un réveil. Mais ce n’est pas seulement une fin, c’est aussi une naissance. C’est pourquoi tout le vocabulaire qui parle de la mort du vieil homme, « mourir à soi-même », la phrase soufie célèbre « heureux celui qui sera déjà mort à lui-même lorsque la mort le surprendra », toutes les paroles, toujours imparfaites qui, pour décrire ce passage d’un monde dans un autre s’expriment en termes de mort, sont justes. Et puisque nous avions cru à ce monde, puisque nous nous étions illusionnés, un être que nous avons connu jusqu’à quarante ans, cinquante ans, est mort.

Je ne sais pas quel pourrait être le sentiment d’un papillon qui regarderait la chrysalide éventrée dont il s’est échappé, mais le sentiment que celui qu’on a été est mort est évident. Et ce n’est pas seulement une mort, c’est une naissance, avec tout ce que cela représente pour l’avenir.

Ouvrez-vous, ouvrez-vous avec joie, ouvrez-vous avec espérance à ce que vous pouvez entendre concernant cette mort à soi-même, ce qui peut nous arriver de plus beau, de plus libérateur: que le vieil homme meure ou que l’égocentrisme meure. Mais c’est plus que cela, c’est vraiment « je suis mort ». On comprend que tant de sages aient parlé d’eux à la troisième personne, parce qu’il devient absurde de parler à la première personne.

Si vous êtes morts, pourquoi dites-vous, « je suis mort »? « Celui que j’ai bien connu, avec ses joies et ses souffrances, ses sottises, ses naïvetés et ses bons côtés aussi, que j’ai bien connu pendant tant d’années, est mort. »

C’est une merveilleuse mort à laquelle nous pouvons tous aspirer de tout notre être.

C’est une mort et c’est une naissance.

Et c’est la vraie naissance.

A votre avis, la vraie naissance, c’est celle de la chenille ou celle du papillon? La vraie naissance, c’est celle du gland qui se forme sur une branche et tombe à terre ou celle du chêne? La chenille est une naissance préparatoire. La naissance du corps physique et du corps subtil, de cet extraordinaire instrument de folie et de sagesse qu’est l’être humain, n’est pas la vraie naissance. La vraie naissance, c’est l’autre. Parce que cette première naissance du corps physique, elle, aura une fin. Je ne sait plus qui a dit « aussitôt qu’un bébé est né il est déjà assez vieux pour mourir. » Et la naissance que j’ose appeler la vraie naissance est une naissance dont on sait qu’elle n’aura pas de fin. Vous êtes libres de toute crainte ou appréhension de la mort, quelle que soit la forme que cette mort doive prendre. C’est la vraie naissance parce que c’est la naissance qui n’aura pas de fin. C’est dans cette existence qu’une chenille devient papillon ou qu’un gland devient chêne. Et c’est dans cette existence que nous pouvons mourir et naître. Les deux sont simultanés. Cette naissance est un achèvement et c’est un commencement, le commencement d’une vie nouvelle…

Arnaud Desjardins

La voie du cœur (pages 374 à 377)

Editions de LA TABLE RONDE

En ces jours où sa sainteté Le Dalaï-Lama est en France, Arnaud Dejardins à quitté son corps.

Une cérémonie aura lieu à Hauteville le 15 août 2011.

« Tout est nourriture et tout se nourrit, au niveau de la multiplicité. Au niveau de l’unique, éternel et infini océan, rien ne mange, rien n’est mangé. Et cela, vous pouvez le découvrir en vous. C’est la sécurité absolue. La mort, c’est simplement un aspect particulièrement important de

ce phénomène. Le corps physique est définitivement détruit, il a cessé de se nourrir et il va

servir de nourriture. Mais au plan subtil, les phénomènes se poursuivent. » 

                                                                                                      Arnaud Desjardins

Amitiés: Claude Sarfati

10 réflexions au sujet de « C’est la vraie naissance (Arnaud Desjardins) »

  1. marie dit :

    Ce texte issu d’un des nombreux livres écrits par Monsieur Arnaud Desjardins , que Claude nous fait partager , met l’accent sur le départ de cette vie terrestre . L ‘enveloppe corps se déchire afin de laisser l’âme
    progresser vers la Lumière ;

    Monsieur Arnaud Desjardins a reçu un signe fort de reconnaissance , partir lors de la venue du Dalaï Lama en France .

    Son parcours spirituel sur cette terre , il nous l’a fait partager dans un langage simple à son image en somme .

    Bonne route Monsieur Desjardins , là ou vous êtes , ou aucune limite ne vous est imposée , envoyer la Lumière dont ce monde à tant besoin .

    Un grand merci à Claude qui a porté à ma connaissance cet enseignement que cet homme donnait sur cette terre au travers de son blog

    Marie

  2. Alors que je cherchais sur internet l’adresse pour envoyer à Arnaud Desjardins le livre que je viens d’éditer « Boulimie/Anorexie, mon corps me parle… » , j’apprend sa mort.
    J’avais un immense plaisir à remercier ainsi du fond du cœur Arnaud Desjardins qui fut une personne fondamentale dans ma vie, un point de départ de mon travail spirituel (et porte de sortie de ma problématique).
    . J’ai lu (presque) tous ses livres, et les ai travaillé à la moelle d’instant en instant plusieurs années. Irrésistiblement, j’étais amenée à citer son « oui ! » dans mon livre.
    Je l’ai connu par l’intermédiaire de Maurice Clermont (canadien), un homme littéralement extra-ordinaire qui m’est cher.
    Je vais me relier directement à Mr Desjardins, mais je tenais à travers ces mots à exprimer toute ma gratitude
    De tout coeur
    christine P.

Les commentaires sont fermés.