Simon de Montfort

Simon de Montfort

Simon de Montfort

1175 – 1218

« …Qui donc, dis je, ne fondrait pas en larmes et ne s’effondrerait au récit de la vie brisée des malheureux ? Car lui tombé, tout s’est effondré ; lui mort, tout mourut avec lui : il était en effet la consolation des affligés, le courage des faibles, le réconfort des attristées, le refuge des malheureux…« 

« …A terre, il tomba mort, livide, ensanglanté.
Un messager porta la nouvelle à Toulouse.
L’allégresse fut telle à travers la cité
Qu’on courut aux églises y allumer des cierges
En criant « Joie ! Dieu miséricordieux !
Paratge resplendit et triomphe à jamais !
Homicide et cruel, le comte sanguinaire
Est mort sans sacrement, ce n’est là que justice ! »
… »

Quel est ce personnage qui suscite autant de sentiments contraires selon le coté dont on se situe ?
Le premier récit est de Pierre des Vaux de Cernay dans son ouvrage Hystoria albigensis. Le second est l’œuvre d’un poète occitan dans la chanson de la croisade albigeoise.

Et tous deux parlent du décès de Simon de Montfort qui vient de mourir pendant le siège de Toulouse, le 25 juin 1218.

De tous les personnages principaux de la croisade des Albigeois, je ne crois pas en connaitre d’autres qui expriment soit autant d’admiration ou soit autant de haine…

Comte de Leceister et de Montfort

Par ses ancêtres qui ont hésité longtemps entre les couronnes de France et d’Angleterre, Simon devient en 1195, comte de Montfort pour ses domaines de la vallée de Chevreuse et comte de Leceister en Angleterre.

Il se marie en 1197 avec Alix de Montmorency. Ils auront deux enfants Amaury et Guy.

C’est un seigneur de rang modeste, très imprégné de valeurs spirituelles d’une des filles de Cîteaux : l’abbaye des Vaux-de-Cernay qui se trouve en vallée de Chevreuse et dont son oncle Guy participera à la croisade contres les Albigeois et Pierre, un autre moine de cette abbaye en fera le récit…

La 4e croisade

Quand Innocent II est élu pape, il prêche aussitôt la 4e croisade en Orient. Simon de Montfort répondit favorablement. Il part de Venise avec l’ensemble des troupes en 1202.
Mais cette croisade est détournée de son but par des vénitiens qui sont avant tout des marchants et qui comptent bien rentrer dans les frais engagés pour acheminer les troupes vers l’Orient. Elle s’arrête à Zara sur la côte slovène et les croisés la pillèrent. C’est ce qui attendait également Constantinople en 1204

Simon de Montfort semble t’il, se détacha très rapidement des autres croisés. Son but était d’aller en Orient et c’est finalement ce qu’il fit en partant près d’un an…

La croisade des Albigeois

C’est apparemment le même motif de piété qui a poussé Simon de Montfort à aller combattre les hérétiques en Occitanie, après une rencontre avec son oncle Guy, abbé des Vaux-de-Cernay qui avait déjà convaincu un grand baron français : Eudes de Bourgogne.

Jusqu’au siège de Carcassonne à mi août 1209, Simon de Montfort se montra discret. Mais il prit une part active à la prise des faubourgs de la cité.

Quand Raimond roger de Trancavel fut jeté en prison, Arnaud Amaury, le chef de la croisade réunit les grands barons français pour savoir à qui attribuer le fief des Trencavel.

Les uns après les autres, les barons déclinèrent l’offre ! Ils avaient reçu du bout des lèvres du Roi de France  Philippe Auguste, l’accord de participer à la croisade des Albigeois.
Leurs participations allaient se borner au minimum, et la quarantaine venue, ils retourneraient sur leurs terres et seraient de nouveau disponibles pour le roi de France contre l’ennemi héréditaire : l’Angleterre !
Ils n’allaient donc pas accepter, des plus est, des mains de l’Eglise, un fief ne leur appartenant pas…

On se sait alors quel argument fit pencher la faveur vers Simon de Montfort : son exemplarité lors de la 4e croisade en Orient ? Son courage lors du siège de Carcassonne ? Ou alors sa parenté avec Guy abbé de l’Abbaye des Vaux-de-Cernay ?
Mais c’est lui qui succéda à Raimond Roger de Trancavel en tant que nouveau Vicomte de Carcassonne et Béziers mais il lui restait le plus difficile : asseoir son pouvoir sur ce pays…

L’épopée militaire

Simon de Montfort fut reconnu comme un grand guerrier et un grand stratège militaire. Car après la fin de l’Ost, tous les grands barons retournèrent dans leurs fiefs abandonnant le nouveau vicomte dans un territoire énormément vaste à contrôler. Seuls quelques barons du Nord de seconde zone comme lui, resteront, espérant sans doute se partager la part du gâteau.

Alors Simon de Montfort va aller dénicher l’ennemi, plutôt que de l’attendre dans sa forteresse de Carcassonne. A chaque printemps, il va se mettre en route avec les renforts que lui fera parvenir la papauté, traquant les hérétiques et leurs bienfaiteurs. Mais l’Occitanie est vaste et quand Simon de Montfort est d’un coté, la révolte gronde de l’autre… Il fera sans cesse des allers retours pour éteindre les incendies, toujours sur la corde raide.

C’est certainement ce qui explique la haine qu’il suscita coté occitans. En effet le comte ne fit preuve d’aucune pitié que cela soit et c’est compréhensible contre les hérétiques cathares, mais aussi contre la noblesse occitane et les populations.

Les faits sont nombreux : les bûchers de Minerve en 1210 (140 parfaits cathares) et de Lavaur en 1211 (400 hérétiques : plus qu’à Montségur..).
Mais aussi le massacre des populations : celle de Bram en 1210 où Simon de Montfort creva les yeux d’une centaine de personnes et leur arracha leur nez. Il laissa un seul œil à un des ces otages pour guider les autres vers les châteaux de Lastours qui refusaient de se rendre…
Egalement, pendant le siège de Lavaur en 1211, il fit pendre et égorger le seigneur des lieux Aymeric de Montréal ainsi que 80 de ses chevaliers, défiant par la même occasion les règles chevaleresques.

Son apogée militaire est certainement la bataille de Muret, le 13 septembre 1213. Tous les pronostics, s’ils avaient existé, auraient donné favori, le roi d’Aragon Pierre II d’Aragon tant le rapport des forces était en faveur des occitans.
Pourtant, le roi d’Aragon fut tué et Simon de Montfort fut vainqueur…

Après 4 ans de guerre en Occitanie, cela allait enfin lui ouvrir les portes de Toulouse… En effet, après le défaite, Raimond VI part en exil en Aragon abandonnant son comté à Simon de Montfort.

Mais ce n’est qu’en 1215 lors du 4e concile de Latran, que Innocent III lui attribua le comté toulousain.
Mais l’animosité du peuple ne lui permit pas d’entrer dans la ville rose avant 1216

La fin

Pourtant 2 ans plus tard,Raimond VI profite du désordre semé par son fils dans la partie orientale du comté, pour revenir à Toulouse. Il est acclamé par le peuple toulousain. Simon de Montfort accourt mais il trouve la ville en état de siège…
Alors qu’il portait secours à son frère touché par une flèche, il ne vit pas un boulet tiré d’un catapulte servie par des femmes, lui arriver droit dessus…

C’était le 25 juin 1218… Les croisés venaient de perdre leur chef… La reconquête occitane pouvait se mettre en route.

Source : Michel Roquebert  » Simon de Montfort  bourreau et martyr » éditions Perrin.

Le Catharisme dans le Languedoc

carte des églises cathares                                                    Carte des églises Cathares

Le Catharisme ne perdura que dans le Sud de la France, la zone de son extension couvre grosso-modo un losange dont les pointes seraient Albi au Nord, Toulouse à l’Ouest, Béziers à l’Est, et Carcassonne au Sud. Il comprend en fait deux comtés (Toulouse et Foix), et une Vicomté (Carcassonne). On peut aussi y inclure l’Aragon de l’époque, dont les sympathies étaient acquises au Comte de Toulouse Raimond VI.

Cette région se trouvait depuis très longtemps au carrefour des principales routes commerciales (épices, sel, textiles,…), les seigneurs des lieux, sous la férule du Comté de Toulouse, et de la Vicomté de Trencavel (Béziers et Carcassonne), s’enrichissaient et recherchaient un raffinement spirituel et culturel de plus en plus poussé. 

En ce temps là, la papauté et l’Église de Rome donnaient au monde une piètre image de la Religion, vile et cupide, peu tournée vers la spiritualité, mais plus vers le pouvoir et l’argent, et distant de la vie de tous les jours, inaccessible aux petites gens. Cependant, ce pouvoir était craint par les grands monarques du monde Occidental, car le Pape avait le pouvoir d’excommunier les gens, les condamnant ainsi à la Damnation éternelle.

Les Seigneurs Languedociens, las de ces débauches religieuses, furent séduits par la doctrine de ces paires d’hommes en noir, qui prêchaient l’ascétisme et une vie de pénitence. Ceci, alors même que les premières croisades étaient lancées pour reprendre Jérusalem aux Turcs (première croisade en 1065)…

Quant aux petites gens, elles appréciaient la proximité de ces nouveaux religieux qui étaient souvent tisserands, herboristes, « médecins »,…, proches du peuple et de sa misère (il n’était pas rare que les « Parfaits » connaissent chacun des habitants du village par leur prénom par exemple). Ainsi, le Catharisme fit doucement son nid en Languedoc (Carte des églises Cathares D’après le N° Spécial d’Histoire Médiévale Fév. 2003). Voir en haut de l’article.

Carte des évéchés cathares

Carte des évéchés Cathares

L’avènement du jeune Pape Innocent III, environ deux siècles plus tard, allait sonner le début de la chasse à l’Hérétique cathare…

Les Cathares, riches, puissants étaient une menace pour la suprématie de Rome, et s’étendaient en Europe (Carte des évêchés Cathares D’après le N° Spécial d’Histoire Médiévale Fév. 2003). De plus, ils avaient déclaré que la Terre était l’œuvre du Diable, et que le « Christ-chair » ne pouvait être Dieu, Ô hérésie suprême. Innocent III déclara le dogme hérétique, et demanda au Roy de France Philippe-Auguste d’envoyer une armée de croisés. C’est aussi à cette époque que le futur Saint Dominique créa la communauté des frères prêcheurs, des religieux proches du bas peuple, qui n’hésitaient pas à discuter, à s’intéresser aux petites préoccupations de chacun, et faisaient ainsi un merveilleux travail de conversion, avec un autre ordre récent, celui des Franciscains… Ce fut le début de l’Inquisition…

Le Roy de France Philippe-Auguste voyait lui dans cette croisade un tout autre intérêt… Le Languedoc avait toujours été fier et indépendant, fonctionnant presque comme un royaume dans le royaume. Philippe-Auguste vît là l’opportunité de faire main basse sur toutes ces richesses, en même temps que faire taire ce vassal impétueux, et dangereux…

La croisade des Albigeois fut certes une croisade religieuse, mais elle fut avant tout une guerre de conquête…

Source: Anne Brenon, Les Cathares.

Bonne lecture, bonne écoute, bon dimanche: Claude Sarfati