Chapitre XIII. L’Etre et le milieu

La nature humaine est formée de deux parties:  l’être en lui-même, qui représente son côté intérieure et actif; l’ensemble des influences du milieu dans lequel il se manifeste, et qui représentent son côté extérieur et passif.

Dans le symbole de la croix:… la verticale représente alors ce qui relie entre eux tous les états de manifestation d’un même être, et qui est nécessairement l’expression de cet être même, ou, si l’on veut, de sa «personnalité», la projection directe par laquelle celle-ci se reflète dans tous les états, tandis que le plan horizontal représentera le domaine d’un certain état de manifestation, envisagé ici au sens «macrocosmique»; par conséquent, la manifestation de l’être dans cet état sera déterminée par l’intersection de la verticale considérée avec ce plan horizontal.“ (p. 109-110)

L’être se manifeste en se revêtant d’éléments empruntés à l’ambiance, et dont la cristallisation sera déterminée par l’action, sur cette ambiance, de sa propre nature interne.

Il y a non seulement une hérédité physiologique, mais aussi une hérédité psychique, l’une et l’autre s’expliquant par la présence, dans la constitution de l’individu, d’éléments empruntés au milieu spécial où sa naissance a eu lieu.

Or, en Occident, certains refusent d’admettre l’hérédité psychique, parce que, ne connaissant rien au-delà du domaine auquel elle se rapporte, ils croient que ce domaine doit être celui qui appartient en propre à l’être lui-même, qui représente ce qu’il est indépendamment de toute influence du milieu.

D’autres, qui admettent au contraire cette hérédité, croient pouvoir en conclure que l’être, dans tout ce qu’il est, est entièrement déterminé par le milieu, qu’il n’est rien de plus ni d’autre que ce que celui-ci le fait être, parce qu’eux non plus ne conçoivent rien en dehors de l’ensemble des domaines corporel et psychique. (p. 111)

Ce sont deux visages du même erreur: celle d’avoir réduit l’être à sa seule manifestation individuelle, et d’avoir ignoré tout principe transcendant par rapport à celle-ci.

La dualité cartésienne «corps-âme» laisse abusivement l’esprit de côté. Cette dualité équivaut à celle du physiologique et du psychique, considérée comme irréductible et comprenant tout l’être dans ses deux termes.

En réalité, cette dualité comprend uniquement les aspects superficiels et extérieurs de l’être manifesté, apparentant au plan horizontal de l’existence.

… la situation de l’être dans le milieu étant déterminée en définitive par sa nature propre, les éléments qu’il emprunte à son ambiance immédiate, et aussi ceux qu’il attire en quelque sorte à lui de tout l’ensemble indéfini de sont domaine de manifestation … doivent être nécessairement en correspondance avec cette nature, sans quoi il ne pourrait se les assimiler effectivement de façon à en faire comme autant de modifications secondaires de lui-même.“ (p. 113)

L’être ne prend au milieu que ce qui est conforme à ses possibilités.

… les véritables causes de tout ce qui arrive à un être sont toujours, au fond, les possibilités qui sont inhérentes à la nature même de cet être, c’est-à-dire quelque chose d’ordre purement intérieur.“ (p. 113)

La relation qu’un être a avec un autre est la traduction, par rapport au milieu, d’une possibilité inhérente à la nature propre de cet être lui-même.

Jâti (sanskrit.)  naissance; espèce ou nature spécifique;

Les astres représentent la synthèse de toutes les catégories diverses d’influences cosmiques qui s’exercent sur l’individualité, et dont la plus grande partie appartient proprement à l’ordre subtil.

La vraie détermination ne vient pas du dehors, mais de l’être lui-même …, et les signes extérieurs permettent seulement de la discerner, en lui donnant en quelque sorte une expression sensible, tout au moins pour ceux qui sauront les interpréter correctement.“ (p. 118)

Chaque être participe d’une double nature, sulfureuse à l’intérieur et mercurielle à l’extérieur.

René Guénon, La grande triade (extraits)

Théodore Monod ou Le Désert en Vérité

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Théodore Monod était un grand explorateur, marcheur, un homme profondément humaniste et pacifiste.

Voici un de ces nombreux textes :

Quantité / Qualité

Notre civilisation (…) est à certains égards inhumaine, profondément inhumaine, parce qu’elle a opté – elle a fait des choix- pour le plus contre le mieux, c’est-à-dire pour la quantité plutôt que pour la qualité. On pourrait dire pour l’avoir plutôt que pour l’être.

Cela donne des hommes vides aux mains pleines.

Eh bien, des hommes vides aux mains pleines, ça n’est pas ce que j’appelle l’homme complet, ça serait plutôt des hommes pleins de quelque chose de vrai, même s’ils n’ont pas les mains pleines. On peut grouper un certain nombre de caractères de l’homme actuel, qui ne sont tout de même pas favorables à l’éclosion d’une humanité améliorée, si je puis dire, enfin, pacifiée, équilibrée, fraternelle.

Ce sont des choses qui vont de soi, mais enfin, on peut les rappeler : cet appétit de la puissance, à tous les niveaux, à tous les stades, depuis l’individu jusqu’à l’Etat ; les excès de l’orgueil, également à tous les niveaux ; le mépris de ce qui est différent – nous avons beaucoup de peine à admettre que d’autres êtres vivants (d’autres hommes, et aussi d’autres êtres vivants, parce qu’il faudrait faire entrer les autres êtres vivants dans le tableau) soient différents de nous, nous ne comprenons pas qu’il puisse y avoir plusieurs mode de vie également légitimes, plusieurs types de civilisations ; nous parlons toujours de la Civilisation avec un C majuscule, et comme par hasard il y a la nôtre, c’est quand même curieux comme démarche intellectuelle, il y en a d’autres, mais nous avons de la peine à les accepter comme telles, nous avons toujours une tendance au palmarès, nous voulons toujours sérier les choses, faire des hiérarchies, dire que celui-là est meilleur que celui-là, ce pays là, cette race là, etc.

Mais non, tout ça c’est la même chose, nous sommes tous sur le même plan !

 Dictionnaire Théodore Monod humaniste et pacifiste

Editions : le cherche midi