Le domaine mystérieux de l’acupuncture

De Saint-Paul-de-Vence et du monde extrêmement anormal de la parapsychologie, je me rendis à Turin où nous passâmes, ma femme et moi, une soirée mémorable à parler avec le docteur Quaglia Senta de ses expériences dans le domaine encore mystérieux de l’acupuncture (1). Les missionnaires jésuites furent les premiers Européens à signaler cette branche curieuse de la médecine chinoise. Mais  ce ne fut pas avant 1928 qu’un compte rendu complet et informé de l’acupuncture atteignit l’occident. Cette année-là, Soulié de Morant revint de Chine et publia son premier traité sur la question.

Aujourd’hui, plusieurs centaines de médecins européens (et un praticien Anglais isolé) combinent l’art médical de l’Occident avec l’ancien art de la Chine. Il se tient des congrès internationaux d’acupuncture, dont le dernier à la faculté de Clermont-Ferrand, et l’on rapporte que les médecins soviétiques prennent maintenant un vif intérêt à la chose.

Qu’une aiguille plantée à la surface de la jambe, un peu au-dessous du genou, affecte le fonctionnement du foie est évidemment incroyable. Si notre premier souci est de sauver non les apparences mais la théorie, nous sommes tentés d’ignorer le fait empirique et de considérer l’acupuncture comme une grossière superstition. Elle ne peut pas être vraie puisque, selon nos théories, elle ne veut rien dire.

Mais, pour les Chinois, elle dit beaucoup. Dans une organisme normal et sain, exposent-ils, il y a une circulation continuelle d’énergie. La maladie est à la fois une cause et un résultat d’un trouble de cette circulation. Des organes vitaux peuvent souffrir d’une déficience ou d’un excès de cette force vitale. L’acupuncture redirige et normalise le flot d’énergie.

Et cela parce que, empiriquement, les membres, le tronc et la tête sont parcourus d’invisibles « méridiens », liés de quelque façon aux divers organes du corps. On découvre sur ces méridiens des points spécialement sensibles. Une aiguille plantée à l’un de ces points affectera le fonctionnement de l’organe relié au méridien intéressé. En piquant un certain nombre de points judicieusement choisis, l’acupuncteur entraîné rétablit la circulation normale d’énergie et guérit le malade.

Une fois de plus, nous sommes tentés de hausser les épaules et d’affirmer que ça ne veut rien dire. Mais, en lisant les rapports du dernier Congrès d’Acupuncture, nous apprenons que des expérimentateurs ont pu, grâce à de délicats instruments électrique, suivre le trajet des méridiens chinois et qu’une piqûre bien située permet d’enregistrer des changements relativement considérables de l’état électrique. En somme, les bizarreries de l’acupuncture semblent bien entrer dans le domaine de nos théories familières.

Quoi qu’il en soit, le fait demeure que les méthodes chinoises sont très efficaces pour nombre de symptômes pathologiques. Parmi lesquels, et c’est très important dans l’état présent de nos affaires, divers troubles mentaux, comme la dépression et l’anxiété qui, à ce qu’il paraît, sont liés à des dérangements organiques puisqu’ils disparaissent dès que la circulation du flux vital est normalisée. Des résultats que plusieurs années de psychanalyse n’ont pas produits sont obtenus, dans certains cas, par deux ou trois piqûres d’une aiguille d’argent.

(1) Sur l’acupuncture, consulter l’ouvrage du Dr Further.

Quelle formidable machine que l’homme!

Article d’Aldous Huxley

Revue Planète  (1962)

Amitiés; Claude Sarfati

L’éternité et un jour (Theo Angelopoulos)

Le 24 janvier, le cinéaste Theo Angelopoulos a été fauché par un motard en plein tournage de son dernier film, L’Autre Mer, consacré à la faillite de son pays. Près d’une semaine plus tard, l’opinion publique et la presse nationale restent sous le choc. Les hommages et les portraits posthumes ont inondé les médias grecs qui, à l’instar de I Kathimerini, ont dépeint un « prophète du cinéma grec qui, malgré son âge (76 ans), a voulu tourner jusqu’au bout ».écrit Ta Nea, quotidien de centre gauche. « La première ambulance est tombée en panne, puis la seconde a mis quarante-cinq minutes à arriver sur le lieu du drame. »To Ethnos, qui parle d’un « tunnel de honte de fleurs fanées » pour décrire les circonstances de ce décès. « A 19 heures, le célèbre réalisateur s’est fait renverser par une moto sur le tournage de son film. Les urgences ont été appelées sur le champ, mais le temps – si lent dans ses films ! – n’a pas joué en sa faveur », poursuit le journal. Mis en cause par tous les médias, les services d’urgence se sont justifiés par le manque de personnel et de moyens.

Source: Le courrier international

 

 

Un grand écrivain et poète grec vit ses derniers jours et retrouve, en faisant un chemin personnel facilité par la rencontre d’un jeune garçon vagabond, les moments forts de sa vie.

Le rythme lent, illustré par les longs plan-séquences, est celui d’un homme qui doucement, perd la vie, mais grâce aux mots qu’il achète à l’enfant, retrouve sa mémoire et l’amour de la femme qu’il a perdue.

 

 

Demain….ça dure combien de temps?

Un artiste célèbre à l’œuvre inachevée. Un enfant en exil qui devient son ami. Une femme en mémoire qu’il entend et qui l’écoute. Un pays glorifié avec une fierté poétique.

L’éternité et un jour

« L’éternité est l’anagramme d’étreinte » (Henry de Montherlant)

Etreinte de la poésie. Un ancien poéte Grec qui achetait des mots aux passants. Etreinte de l’amour que l’on partage si mal. Etreinte du silence entre deux mots douloureux. Etreinte de la mort où l’on redevient enfant.

Theo tu étais poéte, peintre, musicien, cinéaste… Eternel exilé dans un pays que tu aimais comme la mer qui est un destin venant de l’infini dans une vague mémoire de l’univers.

Athènes…Paris, ça dure pas bien longtemps…

La souffrance défile dans la rue chaque jour. Ici, ça n’intéresse pas, le silence est mortel.

La Grèce ne produit pas de séries mondialisées. Rien à télécharger, rien à vendre.

Notre existence se trouve entre deux éternité. (Timée)

Tu as rejoins l’autre rive Théo. La vague du destin t’emporte vers cette  « autre » éternité.

Nous restons avec le jour d’après, la poésie, la musique, le cinéma. Nous achetons des mots à crédit à des exilés du cœur invisibles pour t’accompagner un peu et te remercier. Passé, présent, futur, un temps compté qui n’est plus le tien.

Le temps c’est le péché de l’éternité. (Paul Claudel)

Amitiés: Claude Sarfati

 

Les dynasties dans l’orde chronologique

FONDATEUR ET DYNASTIE MYTHIQUE DES XIA

Les trois Augustes et les Cinq Empereurs

Les trois Augustes sont: Fuxi, Shennong, Huangdi

Les Cinq Empereurs sont: Shao Hao,Zhuan Xu, Di Ku, Yao Shun.

Dynastie Xia (2207-1766 ou 1558)

2207 av. J.C. : Yu le Grand (Da Yu), Fondateur;

(jusqu’en 841 avant notre ère, une double chronologie traditionnelle est en usage, utilisée par les uns ou par les autres, sans que les historiens modernes aient les moyens de choisir l’une delles). Selon l’historiographie traditionnelle chinoise, la dynastie Xia ??en chinois ?, en pinyin xia) a été la première de l’histoire de la Chine. Elle aurait régné de -2207 à -1766.

On peut toutefois avoir quelques doutes sur cette tradition, car la première mention des Xia se trouve dans le Shujing (« Livre des Documents »), ouvrage qui date du début du Ier millénaire av. J.-C. selon la plupart des spécialistes, et qui est donc très postérieur au règne supposé des Xia.

Le document en question s’appelle le « Serment de Tang ». C’est le discours que Tang, le fondateur de la Dynastie Shang, aurait prononcé devant ses troupes pour les encourager à se battre contre le dernier souverain des Xia.

DYNASTIES HISTORIQUES

Dynastie Shang Yin (1765-1122)

Les capitales successives des Shang Yin se situèrent vers 1764 à Bao (Henan), vers 1525 à Geng (Shanxi), vers 1401 ou 1384 àShang (henan), retrouvée prés d’Anyang.

bronze, culte ancestral, invention de l’écriture et de l’idée de pays du milieu

On appelle cette dynastie Shang Yin, parce que, sous les Zhou, son nom de Shang fut changé en celui de Yin, pourla periode de l’histoire qui commence avec Pan Geng (1401 ou 1384).

Dynastie Zhou (1121-256)

élaboration de la culture et de la civilisation chinoise.

La dynastie des Zhou se divise en deux periodes. La première est dite Zhou occidentaux (Xi Zhou) , car elle avait sa capitale à Hao ou Feng, au Shenxi. La seconde est dite des Zhou orentaux (Dong Zhou) car lle avait sa capitale à luoyang, au Henan. Cette dynastie, nominale, recouvre plusieur périodes.

841: Début de la chronologie unifiée.

789: Des « Barbares occidentaux » écrasent les armées de Zhou et fondent la dynastie « étrangère » des Zhou orientaux.

722-481: Période des « Printemps et Automne« , Chunqiu. Guerres incessantes (38 années de paix) entre plus d’une centaine de principautés minuscules, avant ;:de nouveaux eclatements. En 356, aprés 59 ans de règne, Nanwang abandonne son territoire aux Qin. Bien que la dynastie Zhou existe encore, nominalement, jusqu’en 221, date de la fondation de l’empire par Qin Shihuangdi, le pouvoir réel est aux mains des rois de Qin.

Dynastie Qin (256-207)

création de la structure impériale.

Capitale à Xianyang, près de Xi’an (Shenxi)

En moins de 40 ans, Qin bat les armées de tous les autres royaumes et les annexe succesivement. En 256, Wang Zhang, roi de Qin, devient l’empereur Qin Shihuangdi, fondateur de la dynastie Qin. En 213, il ordonne la destruction de tous les livres, pour tenter d’éliminer définitivement la pensée confucéene et l’influence des taoiste au profit des Légistes, qui pensent que l’homme, intrinsèquement mauvais et dominé par l’interêt personnel, ne peut vivre que dans une société régie parla contrainte, des lois rigides et des sanctions sévère. Il fonde ainsi, en meme temps que le premier Empire chinois, une société totalitaire, dont l’expression éminente est la formation d’une écriture « universelle »,le « petit sceau », qui remplace autoritairement toutes les autres? En 209, début des révoltes, au pays de Chu, contre l’ordre des Qin qui s’est étendu à la majeure partie du teritoire actuel de la chine. De 221 à 206, unification des murs qui séparent les anciens royaumes en une « grande muraille »

Dynastie des Han antérieurs au Han occiendentaux (206 av J.C 8 ap J.C)

premier sommet, la grande muraille, invention de la boussole et du papier.

Capitale à Chang’an (Xi’an,Shenxi)

Dynastie Xin (9-25 ap J.C.)

Capitale a Chang’an (Shenxi)

Dynastie des Han postérieurs ou Han orientaux (25-220 ap J.C.)

Capitale a Luoyang (Henan).

Trois royaumes (222-265)

conflits internes et dynasties semi-étrangères.

I. Royaume de Wei, 220-265, capitale à luoyang (Henan). II. Royaume de Shu ou Shunan, 221-263, capitale à Chengdu (Suchuan). III. Royaume de Wu, 222-280, capitale à Wuchang (Hubei) puis à Jianye (Nankin, Jiangsu).

Dynastie des Jin occidentaux ou Jin antérieur (265-316)

Capitale à Luoyang (Henan)

Dynastie des Jin orentaux ou Jin postérieurs (317-420)

Capitale à Jiankang (Nankin,Jiangsu).

Cette dynastie règne sur un territoire situé plus au sud. Le nord est perdu. Malgré la « Grande Muraille », les Barbares ont conquis tous les espaces de la chine du nord, du nord est et du nord ouest.

Les Seize Royaumes (304-439).

Période des dynasties du sud et du nord (420-589).

I. Dynastie du sud

A. 420-479 : Liu Song, capitale à Jiankang (Nankin,Jiangsu). B. 479-502 : Qi du Sud, capitale à Jiankang (Nankin,Jiangsu). C. 502-557 : Liang du sud, capitale à Jiankang (Nankin,Jiangsu). D. 555-587 : Liang postérieurs, capitale à Jiangling (Hubei). E. 557-589 : Chen, capitale à jiankang (Nankin, Jiangsu).

II. Dynastie du nord

A. Wei du nord. 386-534 : Dynastie Topa, capitale à Ping-cheng (Datong,Shanxi). B. 535-556 : Wei occidentaux, capitale à Chang’an (Shenxi). C. 534-550 : Wei orientaux, capitale à Luoyang (Henan). D. 550-577 : Qi du nord, capitale à Ye (Heibei). E. 557-581 : Zhou du nord, capitale à Chang’an (Shenxi).

Dynastie Sui (581-618)

Capitale à Chang’an (Shenxi).

605 : Achèvement du Grand Canal qui joint la basse vallée du fleuve Bleu.

Dynastie Tang (618-907)

second sommet, poésie, invention de la poudre.

Capitale à Chang’an (shenxi).

630 : Victoire sur les Turcs orientaux. 634 : Premieres relations officielles avec le Tibet. 638 : Expédition de reconnaissance en Inde centrale. 660 : Victoire sur la Corée. 663 : Victoire navale sur la Japon. 755-763: Révolte et victoire sur l’empire de An Lushan, d’origine persane.

Les Cinq dynasties (907-960) et les Dix Royaumes (902-979)

émiettement complet.

Durant cette période, cinq dynasties régnèrent successivement sur le nord de la chine, tandis que le sud se divisait en de nombreux royaumes, connus sous le nom des Dix Royaumes.

I. Les Cinq Dynasties (Nord)

A. 907-923 : Liang postérieur, capitale à Luoyang (Henan). B. 923-936 : Tang posterieurs, capitale a Luoyang (Henan). C. 936-946 : Jin posterieurs, capitale à Bian (Kaifeng, Henan). D. 947-950 : Han postérieurs,capitale à Bian (Kaifeng, Henan). E. 951-960 : Zhou postérieurs, capitale à Bian (Kaifeng, Henan).

II. Les Dix Royaumes, 902-979 (dans le sud)

1. 902-937 : Wu, capitale à Yangzhou (Jiangsu). 2. 907-925 : Shu antérieurs, capitale à Shengdu (Sichuan). 3. (902) 908-978 : Wu Yue, capitale à Hangshou (Zhejiang). 4. 909-946 : Min, capitale à Fuzhou (Fujian). 5. (909) 917-971 : Han du sud, capitale à Guanzhou (Guangdong). 6. 925-963 : Nanping (Ping du Sud), capitale à Jingzhou (Hubei). 7. 927-951 : Chu, capiatle à Changsha (Hunan). 8. (933) 034-965 : Shu postérieurs, capitale à Chengdi (Sichuan). 9. 937-975 : Tang du Sud, capitale à Jinling (Nankin, Jiangsu). 10. 951-979 : Han du nord ou Han de l’est, capitale à Pingyang (Taiyan, Shenxi).

Dynastie Song (960-1279)

troisième sommet, porcelaine, peinture, invention de l’imprimerie et du papier monnaie.

I. Song du nord, 960-1127

Capitale à Bian (Kaifeng, Henan).

963-979 : Reconquête et réunification de la Chine. 1004 : Invasion des Khitan. Les Song paient un tribut annuel. 1126 : Les Jin, Barbares du nord, capturent l’Empereur.

II. Song du sud, 1127-1279

Capitale à Lin’an (Hangzhou, Zhejiang).

1129 : Les Song réfugiés au sud voient Nankin ravagé par les Jin. 1141 : Les Song paient un tribut aux Jin. 1279 : La dynastie Song est renversée par les Mongoles.

Dynastie Yuan -Mongole-(1277-1367)

romans et peinture. Capitale transferérée de Karakorum (Mongolie) à Yanjing (Pekin), qui devient Khambalik, en 1264.

Dynastie Ming (1368-1644)

Pékin capitale, construction de la cité interdite, restauration de la grande muraille.

Capitale à Nankin, puis à Pekin à partir de 1409.

1405-1433 : Expéditions maritimes de découverte de zheng He, qui ne découvre pas l’Amerique. 1514 :Arrivée des Portugais de Macao. 1582 :Le premier jésuite, matteo Ricci, arrive en Chine. 1643 :Les Mandchous entrent à Pekin et commencent la conquête complète de la Chine.

Dynastie Qing (1644-1911)

1644-1800: maximum de l’expansion chinoise.

1840-1911: occupation européenne et second déclin.

Capitale à Pekin. La dynastie mandchoue, qui impose aux Chinois le port de la natte, est renversée en 1911.

De 1911 à 1949, République de Chine

anarchie et guerre civile.

De 1949 à 1976, République Populaire de Chine, Mao Zedong.

depuis 1949: redressement et soviétisation.

1966-1976: chaos politiquement généralisé.

Depuis 1980, politique d’ouverture initiée par Deng Xiaoping

démaoïtisation et développement.

*Prononciation: Xia: « chia », Zhou: « djo », Qin: « tching ».

Source: Portail du monde chinois.

Déchiffrer l’univers (2)

De la divination aux Mutations des Zhou

 Le Yi Jing, cependant, n’est pas qu’un recueil de formules divinatoires. Il fait également référence à des événements historiques précis survenus au XI° siècle av. J.-C.; période qui vit la fin du règne des Shang et l’avènement de la dynastie des Zhou. Les protagonistes de ce renversement sont mis en scène au gré des situations décrites dans les hexagrammes, qu’il s’agisse de modèles prestigieux comme le roi Wen, fondateur de la lignée promue, de ses fils, ou des derniers seigneurs du  clan Shang avec qui les tensions allèrent s’accentuant jusqu’au bouleversement final. Dans ce décor féodal, ces différents personnages deviennent emblèmes de comportements définis, nourrissant de leurs hauts faits les circonstances décrites. Il est fort probable que c’est dans les premiers siècles de la nouvelle dynastie que ces différents éléments commencèrent à être rassemblés en livre proprement dit. C’est d’ailleurs sous le nom de Mutations des Zhou qu’il accompagnera toute la période de transition entre la culture antique et la fondation de l’Empire en 221 av. J.-C. par Qin Shi Huangdi*.

Les premières citations des Mutations se trouvent dans le Commentaire de Zuo, un écrit du IV° siècle avant J.-C.; où l’on peut lire des comptes rendus de consultations effectuées entre 672 et 485 av. J.-C. Selon Anne Cheng, le recueil apparaît à ce stade comme « un manuel de divination consulté par des hommes d’état sur des enjeux d’ordre personnel ou le plus souvent politique** ». Cette diffusion dans la classe dirigeante – la divination n’est déjà plus à ce stade une prérogative royale – ira s’élargissant à partir de Confucius (551-479 av. J.-C.), même si les célèbres Entretiens du Maître ne font aucunement allusion aux Mutations***. Il semble toutefois que des retouches soient encore apportées au texte durant toute cette période, notamment à l’époque des Royaumes Combattants qui fut celle où apparurent les grands courants de la pensée chinoise, taoïsme et confucianisme****.

Quoi qu’il en soit, il est avéré qu’au début de la dynastie des Han, qui succède au règne bref mais décisif du premier Empereur, le texte original est établi: c’est, abstraction faite de quelques variantes, celui trouvé dans la tombe de Ma Wang Dui. Les Mutations des Zhou se composent alors de soixante-quatre figures constituées de la superposition de six traits qu’un commentaire annexe pour la première fois Yin et Yang. A chacun de ces hexagrammes sont rattachées une sentence globale appelée Jugement, et une ou plusieurs formules concernant chacun des six niveaux de la situation décrite, le Texte des Traits. C’est ce texte original que la tradition reconnaît comme Texte Canonique.

* Il s’agit du premier Empereur, dont le mausolée contenant la célèbre armée de guerriers en terre cuite fut mis au jour en 1974. Voir Corrine Debaine-Francfort, La Redécouverte de la Chine ancienne, Gallimard, 1998.

** Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, éd. du Seuil, 1997.

*** Excepté dans une phrase « dont le sens est plus qu’incertain ». Voir Anne Cheng. Ibidem,p.257.

**** On trouve par exemple dans le texte de l’hexagramme 30 (ligne 3) une anecdote visiblement tirée du Zhuang Zi, ouvrage de la fin du IV° siècle av. J.-C.

Pierre Faure

LE YI JING PAR LUI-MÊME

Editions Alphée

Amitiés

Claude Sarfati

Déchiffrer l’univers

De la divination aux Mutations des Zhou

Le Yi Jing prend sa source dans les pratiques divinatoires qui avaient cours aux premiers temps de ce qui n’était pas encore la Chine. Dans le monde incertain du II° millénaire avant J.-C.; il importait de se concilier les esprits de a nature et de garder le lien avec les mânes protectrices des ancêtres. C’est dans ce but que les devins attachés à la cour des Shang, héritiers des chamanes de Sibérie orientale, préparaient les sacrifices que le roi offrait au Souverain d’en haut – entité où se mêlaient l’image du premier ancêtre et celle d’une puissance capable de juguler les forces de l’univers. Responsables de l’ordonnancement des rituels, les devins avaient pour coutume d’observer les restes des ossements calcinés afin d’en vérifier à postériori le succès ou l’échec. L’analyse des traces du feu et des craquelures donna naissance à une étude très poussée des signes, que certains dénomment aujourd’hui une « sémiologie expérimentale* », laquelle allait se développer dans deux directions.

D’une part, alors qu’elle avait d’abord servi à s’assurer a posteriori de la bonne exécution du sacrifice, cette divination sur os, appelée ostéomancie, devint un moyen a priori de le régler. Pratiquée non plus après, mais avant les offrandes, selon des techniques de plus en plus perfectionnées, elles allait dorénavant permettre d’en établir au mieux les modalités (jour, lieu, type et nombre d’animaux à brûler, etc.). Dans ce passage du diagnostic au pronostic, il y a déperdition de l’aspect purement religieux du sacrifice au profit de la forme rituelle- évolution vers le rite qui imprégnera toute la culture chinoise ultérieure.

D’autre part, et, plus remarquable encore, la réflexion s’étendit peu à peu à tous les aspects des événements à propos desquels les sacrifices étaient effectués, que ce soit pour protéger des éléments naturels (inondations, cataclysmes) ou pour assurer le succès d’entreprises humaines (guerres, chasses, travaux agricoles…). Pratiquée à l’origine dans un souci d’efficacité rituelle, « la spéculation a progressivement débordé sur toutes les formes et tous les mouvements de l’ensemble des  êtres de l’univers** ». Les résultats des observations étant soigneusement analysés, comparés, classés, c’est une véritable science des formes et des correspondances qui s’est progressivement mise en place, articulée sur la description des rythmes naturels et l’étude des changements constants auxquels ils président.

La technique des devins poursuivit son évolution par deux étapes  significatives; la tortue et l’achillée, nom de la plante dont les tiges étaient utilisées pour des opérations de comptage. Dans la première, appelée chéloniomancie– du grec chelonios qui signifie tortue – leurs investigations ne s’effectuaient plus sur des omoplates de bœuf ou de mouton mais sur des carapaces de tortue, animal qui symbolise l’univers dans l’imaginaire chinois. La phase suivante, celle de l’achilléomancie, marque un passage à l’abstraction, l’observation de l’univers trouvant son prolongement dans une spéculation sur les nombres. Les archéologues ont ainsi pu étudier des superpositions de chiffres renvoyant aux différents types de fissure qui apparaissaient lors des opérations de brûlage, catégorisation dans laquelle la répartition entre le pair et l’impair semble avoir joué un rôle déterminant. Ce sont ces empilements de données qui allaient se standardiser en soixante-quatre figures à six niveaux appelées hexagrammes, chacune de ces figures rendant compte d’une configuration déterminée du réel. Et c’est par le décompte effectué avec cinquante tiges d’achillée que se ferait désormais la mise en relation de la situation considérée avec l’une ou l’autre de ces configurations.

Qu’elles soient issues d’inscriptions sur os, gravées sur écailles de tortues ou transposées sur des lattes de bambou, les annotations oraculaires des devins furent rassemblées en différents recueils dont les plus anciens ont été perdus***. Elles constituent les bases d’un savoir qui s’est transmis de siècle en siècle pour se sédimenter dans la strate la plus anciennes de ce qui allait devenir le texte canonique du Yi King.

* Voir Léon Vandermeersch, Wang Dao ou la Voix Royale, Ecole française d’Extrême Orient, Paris, 1977.

** Ibidem, tome II, p.281.

*** Il aurait ainsi existé dans les temps anciens trois canons divinatoires correspondant, d’après l’historien Seu-Ma Tsien, aux trois dynasties ayant précédé celle de Han: le lian Shan qui s’ouvrait sur l’hexagramme 52 (le texte de sa Grande Image commence par cette formule) et daterait de la lointaine dynastie des Xia, le Gui Cang qui aurait eu cours sous les Shang, et le Zhou Yi qui nous est finalement parvenu sous le nom de Yi Jing.

Pierre Faure

LE YI JING PAR LUI-MÊME

Editions Alphée

Amitiés

Claude Sarfati