Chapitre XI. « Spiritus“, « anima“, « corpus“

La division ternaire est la plus générale et en même temps la plus simple qu’on puisse établir pour définir la constitution d’un être vivant, et en particulier celle de l’homme, car il est bien entendu que la dualité cartésienne de l’«esprit» et du «corps», qui s’est en quelque sorte imposée à toute la pensée occidentale moderne, ne saurait en aucune façon correspondre à la réalité;…“ (p. 94)

Toutes les traditions admettent la distinction: esprit, âme et corps.

Il n’y a que la modernité occidentale qui fait la confusion entre esprit et âme. Cette erreur a des conséquences qui ne sont pas uniquement théoriques.

La distinction de l’esprit et de l’âme est applicable à celle d’entre macrocosme et microcosme.

Les Pythagoriciens envisageaient un quaternaire fondamental: le Principe, transcendant par rapport au Cosmos, puis l’Esprit et l’Âme universels, et enfin la Hylé primordiale.

… du côté «essentiel», l’Esprit et l’Âme sont, à des niveaux différents, comme des «réflexions» du Principe même de la manifestation; du côté «substantiel», ils apparaissent au contraire comme des «productions» tirées de la materia prima, bien que déterminant eux-mêmes ses productions ultérieures dans le sens descendant, et cela parce que, pour se situer effectivement dans le manifesté, il faut bien qu’ils deviennent eux-mêmes partie intégrante de la manifestation universelle.“ (p. 97)

Buddhi ‘ Intellect pur (correspondant à Spiritus et à la manifestation informelle); Atmâ ‘ Principe transcendant. Le corps représente la passivité substantielle, sans être la Substance elle-même.

Dans le ternaire esprit-âme-corps, les deux premiers termes se situent du même côté par rapport au troisième.

… le corps a dans l’âme son principe immédiat mais il ne procède de l’esprit qu’indirectement et par l’intermédiaire de l’âme.“ (p. 98)

L’âme, en tant qu’intermédiaire entre l’esprit et le corps, est un principe «médiateur».

L’esprit et l’âme sont d’une certaine manière complémentaire, l’esprit est yang et l’âme est yin. Le premier est symbolisé par le Soleil, l’autre par la Lune.

L’esprit est la lumière émanée directement du Principe, tandis que l’âme est une réflexion de cette lumière.

Le serpent est un des symboles d’Anima Mundi parce que, bien qu’agissant aussi dans le monde corporel, appartiennent en elles-mêmes à l’ordre subtil.

René Guenon, La grande triade (extraits)

Chapitre X. L’Homme et les trois mondes

Lorsqu’on compare entre eux différents ternaires traditionnels, s’il est réellement possible de les faire correspondre terme à terme, il faut bien se garder d’en conclure que les termes correspondants sont nécessairement identiques, et cela même dans les cas où certains de ces termes portent des désignations similaires, car il peut très bien se faire que ces désignations soient appliquées par transposition analogique à des niveaux différents.“ (p. 88)

Tribhuvada hindou est composé de trois mondes: Terre (Bhû), Atmosphère (Bhuvas) et Ciel (Swar).

Mais Ciel et Terre hindoue ne correspondent pas à Tien et Ti chinois (ces derniers correspondent à Purusha et Prakriti hindous).

les «trois mondes» représentent l’ensemble de la manifestation elle-même, divisée en ses trois degrés fondamentaux, qui constituent respectivement le domaine de la manifestation informelle, celui de la manifestation subtile, et celui de la manifestation grossière ou corporelle.“ (p. 88)

La manifestation informelle est celle où prédominent les influences célestes; la manifestation corporelle est celle où prédominent les influences terrestres.

La manifestation subtile procède des deux états.

Il existe une analogie constitutive entre le macrocosme et le microcosme. L’homme appartient par l’esprit au domaine de la manifestation informelle, par l’âme à celui de la manifestation subtile et par le corps à celui de la manifestation grossière.

C’est d’ailleurs l’homme, et par là il faut entendre surtout l’«homme véritable» ou pleinement réalisé, qui, plus que tout autre être, est véritablement le «microcosme», et acela encore en raison de sa situation «centrale», qui en fait comme une image ou plutôt comme une «somme» (au sens latin de ce mot) de tout l’ensemble de la manifestation, sa nature, comme nous le disions précédemment, synthétisant en elle-même celle de tous les autres êtres, de sorte qu’il ne peut rien se trouver dans la manifestation qui n’ait dans l’homme sa représentation et sa correspondance.“ (p. 91)

Il existe une correlation entre les modifications de l’ordre humain et celles de l’ordre cosmique.

René Guénon, La grande triade (extraits)