Se libérer du connu (Krishnamurti)

 

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Les vies que nous menons comportent, en général très peu de solitude. Même lorsque nous sommes seuls, elles sont encombrées par tant d’influences, de connaissances, de souvenirs, d’expériences, de soucis, de chagrins, de conflits, que nos esprits s’alourdissent de plus en plus, deviennent de plus en plus insensibles dans leurs routines monotones. Ne sommes-nous jamais seuls ? Sommes-nous toujours surchargés des fardeaux d’hier ?

Il y a une assez jolie histoire de deux moines qui marchaient de village en village. Ils rencontrèrent une jeune fille assise au bord d’une rivière, et qui pleurait. L’un des moines s’approcha d’elle et lui dit : « Pourquoi pleurez-vous, ma sœur ? » Elle répondit : « Vous voyez cette maison sur l’autre rive ? Ce matin j’ai traversé facilement la rivière à pied, maintenant elle a enflé, je ne peux pas rentrer chez moi, il n’y a pas de barque. – Qu’à cela ne tienne », répondit le moine. Il la prit sur ses épaules et la déposa sur l’autre rive. Or, deux heures après qu’ils eurent repris leur chemin, l’autre moine lui dit : « Frère, nous avons fait le vœu de ne pas toucher une femme. Tu as commis un péché terrible. N’as-tu pas éprouvé un plaisir, une intense sensation en touchant cette femme ? – Eh quoi ! repartit le premier, je l’ai laissée il y a deux heures ; tu la portes encore, n’est-ce pas ? »

 

Et c’est ce que nous faisons. Nous portons toujours nos fardeaux, nous ne mourons jamais au passé, nous ne le laissons jamais derrière nous. Ce n’est que lorsqu’on accorde une attention totale à un problème, et qu’on le résout immédiatement, sans le prolonger jusqu’au lendemain, ni même jusqu’à la minute qui suit, que l’on se trouve dans un état de solitude. Alors, même si l’on vit dans une maison encombrée, même lorsqu’on est dans un autobus, on peut être dans cette solitude, qui indique que l’on a l’esprit frais et innocent.

J. Krishnamurti Se libérer du connu Chapitre 14 (p. 106-107)

Bonne lecture, bonne écoute: Claude Sarfati

Le destin d’une femme

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Annie Besant (portrait en 1897)

Annie Besant est née le 10 octobre 1847 à Londres.

Elle perd son père dés son enfance et grandit dans un milieux très pauvre.

En 1867, elle épouse Franck Besant avec lequel elle aura deux enfants, mais le mariage d’un ministre du culte Anglican (très conservateur) et d’une femme éprise de liberté et de justice ne marche pas.

Annie Besant quittera son mari en 1873.

Pour subvenir à ses besoins elle écrit des livres qui rencontreront de bon succès.

Rapidement, elle s’engage dans la politique en faveur de la condition des femmes et des mouvements ouvriers.

En 1889, elle découvre Helena Blavatsky en lisant La doctrine secrète , elle rejoint aussitôt le mouvement théosophique fondé par Blavastky.

Initiée de l’Ordre  Maçonnique, elle étudie également Le Coran.

En 1907, elle devient la présidente du mouvement théosophique, avec son ami clairvoyant Charles Leadbeater, elle fonde à Adyar (Inde)

L’Ordre de l’Etoile d’Orient

Annie Besant organisait de longues séances de Spiritisme accompagnée des plus grands sages de l’Inde, au cours des ces séances de grands Maîtres se manifestèrent pour les informer de la mission qui leur été confié par l’esprit :

Trouver l’enfant destiné à devenir le prochain Messie.

Ce fut Charles Leadbeater qui découvrit l’enfant choisit par le Seigneur Maitreya pour prendre forme humaine.

Au bord d’une plage, entouré de nombreux enfants, Krisnha est décrit comme :

Sale, décharné, avait des dents mal plantées, des cheveux rasés sur le devant de la tête (ainsi que le voulait la coutume brahmanique), le regard vide, un air presque hébété. Il souffrait, en outre, de bronchite chronique, et les multiples accès de paludisme ayant jalonné les premières années de sa vie le faisaient paraître frêle et maladif.

C’est l’aura de cet enfant que Leabdbeater  observa  avant toute chose, il la décrivit comme belle, dépourvue de toute forme d’égoïsme, qui le désigna comme l’élu.

Dés lors, la vie de Annie Besant bascula, elle consacra tout son temps, toute son énergie à prendre en charge sa mission.

Krishna (appelé ainsi selon la tradition brahmanique qui veut que le septième enfant d’une famille s’appelle Krishna) était très attaché à son frère Nitya d’une santé fragile, Besant décida de s’occuper des deux enfants.

Suite à de longues procédures de justice, elle obtiendra la garde légale des enfants.

Krishna fut un apprenti modèle, il bénéficia des meilleures études dans des établissements prestigieux du monde entier, et fut initié à toutes les religions et disciplines spirituelles.

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Annie Besant et Gandhi

En 1912 il écrira à Leadbeater :

« La fontaine de vérité s’est révélée à moi et les ténèbres se sont dissipées. L’amour dans toute sa gloire a enivré mon cœur, il ne se refermera jamais. J’ai bu à la fontaine de joie et d’éternelle beauté. Je suis ivre de Dieu. »

Krishna écrivit un livre louant son guide spirituel :

Aux pieds du maître.

L’Ordre de l’Etoile d’Orient prenait rapidement une ampleur considérable, des milliers de gens venaient de tous pays donner leur contribution en échange de l’initiation.

K arrivait à ses vingt-sept ans lorsque sa santé (souvent chétive) se détériora, suite à la mort de son frère.

Krishna ne mangeait rien, refusait toute aide et s’abritait dans sa chambre d’où l’on entendait hurler (en silence) une souffrance terrible.

Annie Besant considérait Krishna comme son fils et se consolait de sa douleur en pensant que K devait passer par ces degrés d’initiation.

Chaque année étaient organisaient d’immenses conférences, en Inde et en Californie. Durant ces conférences, nombreux membres pouvaient prétendre à un degré supérieur dans leur initiation.

La dernière eut lieu au camp d’Ommen, le 3 août 1929,  devant Mme Besant et plus trois milles membres,

K dissolut l’Ordre de l’Etoile. Il déclara :

« Pour moi la vérité est un pays sans chemin, et vous ne pouvez l’atteindre par aucun sentier, aucune religion, aucune secte…je ne veux faire partie d’aucune organisation d’ordre spirituel…lorsqu’une organisation est créé dans ce but elle devient une béquille ; elle affaiblit, asservit, et cela ne peut que mutiler l’individu, l’empêcher de se développer, de constater son unicité grâce à la découverte par lui-même de cette vérité absolue, non conditionnée, totale…Etant moi-même libre, non conditionné, total…je voudrais que ceux qui cherchent à me comprendre soient libres, non pas qu’ils soient mes disciples ou qu’ils fassent de moi une cage…vous dépendez tous de quelqu’un pour votre spiritualité…personne n’a le pouvoir de vous libérez de l’extérieur…vous avez pris l’habitude de vous entendre dire le chemin que vous avez parcouru, le statut qui est le vôtre dans le monde spirituel. Que c’est puéril ! Qui, sinon vous-même, vous dira si vous êtes incorruptible ?..Voilà deux ans que je réfléchis à cette question, lentement, avec soin et patience, et maintenant j’ai pris la décision de dissoudre l’Ordre, puisque j’en suis le chef. Vous êtes libres de créer d’autres organisations et d’attendre que vienne quelqu’un d’autre. Cela ne me concerne pas, ni d’ailleurs la création de nouvelles cages, de nouveaux décors pour ces cages. Mon unique souci est de libérer l’homme de façon absolue, inconditionnelle. »

A la fin de la même année, K démissionna également de la Société Théosophique.

Leadbeater était en pleine création d’un centre en Australie, lorsqu’il apprit la nouvelle.

Il déclara que K n’était pas le Messie attendu mais que le vrai allait bientôt se manifester, ce fut d’ailleurs la version officielle ; cela lui permit d’assouvir ses ambitions et de devenir le directeur de la Société Théosophique en Australie.

Pour Annie Besant, le coup fût  terrible, elle ne comprenait pas l’attitude de Krishna, elle ne parla plus de lui et passa ses dernières années en Inde où elle mourut le 20 septembre 1933.

Une correspondance existe entre Krishnamurti et Annie Besant, chacune des lettres commencent en ces termes : de K à Annie : Ma bien chère mère et de Besant à K : mon enfant adoré.

Ainsi s’achève le parcours de cette femme née dans les faubourg de Londres, qui s’est battue pour la justice, pour les femmes, pour la recherche de la vérité.

C’est elle qui a donné tout son amour à un enfant destiné à devenir Le Messie et qui est devenu Jiddu Krishnamurti , un homme qu’on ne peut ranger dans aucune cage, mais qui à consacré sa vie à porter un message de liberté, de libération.

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Annie Besant et Jiddu Krishnamurti

Je vous invite à lire la biographie de Krishnamurti écrite par Mary Lutyens pour mieux comprendre cette relation, mère- fils .

 

Amitiés :  Claude Sarfati

L’IMPERMANENCE

Il existe un très vieux livre nommé Yi King, le Livre des Mutations, basé sur l’idée que l’interaction de deux forces à la fois antagonistes et solidaires engendre la mutation de tout ce qui est vivant. Ces deux forces, expressions de Tao, sont Yin et Yang. Et puisque Tao, par nature, « existe sans exister », il est éternel et, par voie de conséquence, Yin et Yang entretiennent des rapports en permanence, engendrant par là-même une constante mutation que l’on appelle l’impermanence.

Permanence et impermanence sont deux écoles de pensée, deux manières d’envisager la métaphysique, dont le propos est de s’intéresser à ce qui est au-delà (méta) des choses physiques. La question est de savoir qui, de la poule ou de l’œuf, précède l’autre ou, plus sérieusement, si l’essence se situe avant l’existence ou si l’existence engendre l’essence.

En Occident, Héraclite d’Ephèse, qui vécut entre 540 et 480 avant Jésus-Christ, est l’auteur d’un ouvrage intitulé De l’Univers dans lequel il émet la théorie que la naissance et la conservation des êtres sont dues au « conflit des contraires ». Ces deux forces contraires, pense- t-il, sont enveloppés par « une substance unique et commune à toutes les choses ». Enfin, il précise que toutes les choses procèdent d’un « écoulement perpétuel » et que tu ne veux pas te baigner deux fois dans le même fleuve car de nouvelles eaux coulent toujours sur toi.

Il est aisé de retrouver Yin et Yang en ce « conflit des contraires » que peut corroborer la Médecine Traditionnelle Chinoise issue de la connaissance du Tao: au même titre que les méridiens d’acupuncture, pour la plupart répartis symétriquement dans le corps humain, il existe un méridien central (Zhong maï) appelé le Vaisseau des hostilités et en lequel – pour ne pas entrer dans des subtilités trop techniques- circulent des « manifestations énergétiques » Yin et Yang qui se traduisent, par exemple, par la libido (instinct de vie) et la destrudo (instinct de mort).

De même, la « substance unique » d’Héraclite rappelle-t-elle le Qi de Tao et de même « l’écoulement perpétuel » est-il synonyme de mutation d’impermanence. Comme il fut dit, les sages du Tao puisent leur savoir d’une part dans l’interne et d’autre part dans la Nature. Or l’interne évolue tout au long d’une vie exactement comme la Nature se modifie en permanence. Au fil des ans, l’arbrisseau devient un arbre et l’arbre lui-même, au sein de la même année, se couvre de feuilles puis se dénude, portant des fleurs qui deviennent fruits. Tout change… sauf le Principe immuable qui est à la base du changement. Autrement exprimé, la permanence du non-être engendre l’impermanence de l’être: ce qui est achevé paraît achevé mais ne l’est pas dans son principe, écrit Lie Tseu (Le Vrai Classique du Vide Parfait, livre VI, 11).

Parlant de Tao,Lao Tseu affirme qu’il se meut sans cesse (Tao Te King, 14) mais que, le principe étant permanent, qui saisit le Constant embrasse et saisit tout (Tao Te King, 16).

Quant à Tchouang Tseu, il résout vite le problème du permanent et de l’impermanent: il est inutile de s’interroger sur le fini et l’infini. Derrière les phénomènes qui changent existe le non-changement. Pourquoi ne pas le consulter?

Nous en revenons là à la façon d’envisager les choses sous l’angle du Tao: tout ce qui vit vibre, évolue et se transforme mais il y a quelque chose de « sans nom » qui, d’être sans être, est la permanence. Celui qui part quêter Tao se retrouvera plus que souvent en face de cette constante: les sages cultivent ce qui nous apparaît comme un paradoxe parce que nous voulons comprendre ce qui ne peut en aucun cas être enfermé dans notre intellect. C’est pourquoi ils se réfèrent systématiquement à l’interne.

ABC du TAO

Jacques E. Deschamps

Editions GRANCHER

 

Jiddu Krishnamurti

Le Livre de la Méditation et de la Vie

Amitiés

Claude Sarfati

Vivre avec la mort? (Krishnamurti)

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Est-il possible de vivre avec la mort ? Non pas avec morbidité, ni de façon auto destructrice. Pourquoi avons-nous séparé la vie de la mort ? La mort fait partie de notre existence. Le vivant et le mourant sont inséparables et se suivent inexorablement. Pourquoi séparer l’envie, la colère, la tristesse, la solitude et le plaisir que nous éprouvons, de ce qu’on appelle la mort ? Pourquoi les gardons-nous à des miles de distance, des années-lumière les uns des autres ? Nous acceptons la mort d’un vieil homme, qui est naturelle. Mais si quelqu’un de jeune meurt dans un accident, ou atteint d’une maladie, nous nous révoltons contre la mort. Nous disons que c’est injuste, que cela ne devrait pas être. Voilà ce qu’il nous faut examiner, non pas comme un problème, mais en en cherchant et en observant les implications, et sans se faire d’illusions.

Se pose aussi la question du temps – le temps qu’il faut pour vivre, pour apprendre, pour amasser, pour agir, pour faire quelque chose, et puis la fin du temps connu – le temps qui sépare le vivre du finir. Dès qu’il y a séparation, division, entre « ici » et « là », entre ce qui est« et »ce qui devrait être », cela implique le temps. il me semble significatif que nous maintenions la division entre cette prétendue mort et ce que nous appelons la vie. C’est à mes yeux un facteur décisif. La peur surgit lorsqu’il y a une telle séparation. On fait alors un effort pour surmonter cette peur, en recherchant le confort, la satisfaction, un sentiment de continuité. (Il s’agit ici bien sûr du domaine psychologique et non pas de la réalité physique ou technique.) Le moi s’est constitué dans le temps, et il est maintenu par la pensée.

Si seulement nous pouvions nous rendre compte de ce que signifient, sur le plan psychologique, le temps et la division, la séparation des hommes, des races, des cultures, opposés les uns aux autres. Cette séparation provient aussi de la pensée et du temps, comme la division entre vie et mort. Vivre avec la mort dans la vie impliquerait un profond changement dans notre conception de l’existence. Mettre fin à l’attachement sans limite, sans motif, et sans faire intervenir le temps, c’est mourir alors qu’on est encore en vie.

J.Krishnamurti Dernier journal 1983

Ce qui n’est pas mortel ne connaît pas la mort. L’immortel demeure, au-delà du temps, complètement inconscient d’une telle fin. Le moi est-il immortel, ou connaît-il une fin ? Le moi ne peut devenir immortel. Le je et tous ses attributs se constituent dans le temps, qui est la pensée ; jamais il ne sera immortel. On peut bien inventer une idée de l’immortalité, une image, un dieu, une représentation, et y tenir pour y trouver du réconfort, mais là n’est pas l’immortalité.

J. Krishnamurti Dernier journal 1983

Vous pouvez télécharger légalement cet interview (en deux parties) sur le site de L’INA:

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Bonne lecture, bonne écoute: Claude Sarfati

Le temps aboli (Krishnamurti)

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On peut étudier ce qui est limité, mais pas l’illimité. Et nous nous essayons alors à étudier le champ entier du psychisme, et disons que cela exige du temps. Mais dans ce domaine le temps est peut-être une illusion, il peut être un ennemi. La pensée crée l’illusion, et cette illusion évolue, grandit et s’étend. Il est probable que l’illusion de toute l’activité religieuse a commencé très simplement, et maintenant voyez où elle en est, avec cet immense pouvoir, ces possessions, cette grande accumulation d’œuvres d’art, de richesses, et cette hiérarchie religieuse qui exige l’obéissance et vous exhorte à une plus grande foi. Tout cela est l’évolution de l’illusion, son expansion et sa culture qui se sont développées au cours des siècles. Et le psychisme est tout le contenu de la conscience, la mémoire de toutes choses passées et mortes. Nous attachons une telle importance à la mémoire ! Le psychisme est mémoire.
Toute tradition n’est en fait que le passé. Nous nous y attachons désespérément, cherchons à la connaître dans tous ses aspects pensant que cette étude exige du temps, comme celle des autres domaines. Je me demande si nous nous posons jamais la question d’un arrêt possible du temps – le temps de devenir, le temps de s’accomplir. Y a-t-il quoi que ce soit à apprendre à ce sujet ? Ou peut-on voir que le mouvement entier de cette mémoire illusoire, qui semble si réelle, peut prendre fin ? Si le temps peut s’arrêter, quelle est alors la relation entre ce qui est au delà du temps et toutes les activités physiques du cerveau, telles que la mémoire, le savoir, les souvenirs et les expériences ? Quel rapport y a-t-il entre ces deux domaines ? Comme nous l’avons souvent dit, le savoir et la pensée sont limités. Ce qui est limité ne peut avoir de relation avec l’illimité. Toutefois, l’illimité peut avoir une sorte de rapport avec ce qui est limité, mais cette communication sera toujours partielle, étroite et fragmentaire.

Si l’on a l’esprit mercantile, on peut se demander l’utilité de tout ceci, l’utilité de l’illimité, en quoi cela peut être utile à l’homme. Nous voulons toujours une récompense. Nous vivons sur le principe de la punition et de la récompense, comme des chiens dressés que l’on récompense quand ils obéissent. Et nous sommes presque semblables à eux puisque nous voulons être récompensés pour nos actions, notre obéissance, etc. Une telle exigence naît du cerveau limité. Le cerveau est le centre de la pensée, laquelle est toujours limitée, en toutes circonstances. Elle peut inventer l’extraordinaire, le théorique, l’incommensurable, mais son invention sera toujours limitée. Voilà pourquoi il faut être complètement libre à l’égard du travail et du labeur de la vie, comme de l’activité égocentrique, pour que l’illimité puisse être.

J. Krishnamurti Dernier Journal Mardi 19 avril 1983 (p.81-83)

 

Est-il possible de vivre au présent, sans y introduire le temps, c’est-à-dire le passé ? On ne peut vivre, c’est certain, dans ce présent absolu qu’en comprenant le passé dans son intégralité globale. Mourir au temps, c’est vivre dans le présent, et vous ne pouvez vivre dans le présent que si vous avez compris le passé, ce qui suppose de comprendre votre propre esprit – et non seulement l’esprit conscient qui vous accompagne chaque jour au bureau, acquiert un savoir et de l’expérience, a des réactions superficielles, et ainsi de suite, mais aussi l’esprit inconscient, dans lequel sont enfouies les traditions accumulées de la famille, du groupe, de l’espèce. De même, sont enfouies dans l’inconscient l’immense souffrance de l’humanité, et la peur de la mort. Tout cela, c’est le passé, c’est-à-dire vous-même, et vous devez le comprendre. Si vous ne comprenez pas cela, si vous n’avez pas exploré les voies qui sont celles de votre esprit et de votre cœur, exploré votre avidité et votre souffrance, si vous ne vous connaissez pas vous-même complètement, alors vous ne pouvez vivre au présent. Vivre au présent, c’est mourir au passé. Ce processus de compréhension de vous-même vous permet d’échapper à l’emprise du passé, c’est-à-dire à votre conditionnement (…)

De la vie et de la mort. Page 83. Saanen, le 21 avril 1963. Editions du Rocher. 1994.