L’enfant de coeur (Arnaud Desjardins)

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Arnaud Desjardins est né en 1925. Réalisateur à la Télévision française pendant vingt-deux ans, grand reporter en Asie, membre de la société des explorateurs français, il se fait connaître dans les années soixante par une série de reportages inédits sur le bouddhisme tibétain, les ashrams hindous, les monastères zen du japon et les confréries soufies d’Afghanistan, ainsi que par ses premiers ouvrages, Ashrams, les Yogis et les Sages et Le Message des Tibétains.

Ses rencontres avec les maîtres des différentes traditions lui permettent d’approfondir sa propre quête spirituelle jusqu’au jour où il s’engage auprès de celui qui deviendra son maître, Swâmi Prajnanpad. Durant neuf années consécutives, il effectue auprès de ce maître Bengali, des séjours réguliers jusqu’à ce qu’une transformation radicale s’opère en lui.

En 1974, à la mort de Swâmi Prajnanpad, il estime devenir enfin le disciple de ce maître, n’étant jusque là qu’un élève!
il se retire dans le centre de la France pour partager avec quelques lecteurs de ses livres son expérience et assumer à son tour le rôle de guide.
Trois lieux jalonnent son parcours d’instructeur, le Bost en Auvergne, puis Font-d’Isière dans le Gard, et enfin Hauteville en Ardèche

Son enseignement

1 – libre de l’Ego

Dans l’adyatmayoga, l’enseignement de Swâmi Prajnanpad : le fondement de ce qu’on appelle « vie spirituelle » est une connaissance profonde  la psychologie, c’est-à-dire la connaissance du mental, qui englobe pensées et émotions. Mais la comparaison s’arrête là, car si le but en psychologie est de se connaître et d’essayer de mieux fonctionner, dans l’adyatmayoga, on bascule dans la métapsychologie, qui explore l’inconscient bien au delà de ce que permet la psychologie, et  qui recherche l’effacement de l’ego.
Le but étant de devenir  libre de l’Ego.
L’Ego est la somme de nos caractéristiques, le mental est notre attachement à cela!

2 – libre des désirs

Essentiel, mais difficile, car il est inadmissible pour l’homme moderne de concevoir une réalité où son individualité n’aurait plus de place. Le paradoxe est le suivant : chaque être est unique, mais chacun voudrait inconsciemment que l’autre lui ressemble, qu’il agisse en conformité avec ses désirs.
Du refus de la différence naît la dualité et donc la souffrance.
Le travail consiste donc à rechercher l’unité, à ne faire qu’un avec l’univers, car l’énergie est unique. Pour cela il ne faut pas tenter de « tuer » l’ego mais, au contraire  assumer  et vivre CONSCIEMMENT ses désirs .
Puis réaliser que la plénitude parfaite et durable ne peut être atteinte . Alors, seulement, les désirs tombent d’eux-mêmes. « La disparition de l’ego consiste en une mort à soi-même tel que nous nous connaissons aujourd’hui, une mort et une résurrection déjà si totales, que la mort du corps physique n’y enlève rien. »

3 – Libre des émotions

Les émotions définissent l’ego.  « J’aime ou j’aime pas » (le pêché originel) est source de joies et de souffrances. La libération des émotions consiste à s’affranchir de ces réactions  émotionnelles: une chose n’est ni belle ni laide, elle est ce qu’elle est, tout simplement.
Sans émotions, est-on encore vivant ? « Oui, répond Arnaud Desjardins, car la mort de l’ego est la véritable naissance, la découverte de ce qui est au fond de nous. » C’est l’éclatement de la prison étroite du « je » qui libère une perception plus juste du monde.
Ainsi, on n’est capable de sentiments qu’en abandonnant les émotions.

4 – Voir !

Être présent, attentif, conscient, savoir à chaque instant ce qui se passe en nous et autour de nous. Seule cette attitude permet de Voir ce qui est, ce qui est Réel, et non la transposition de souvenirs passés intervenants dans le présent
Cette aptitude de vigilance se développe et croît peu à peu par l’exercice de la méditation. Seule la vigilance permet de ne plus se laisser emporter par les émotions. Cette attitude n’a rien de spectaculaire mais elle change tout. Ces moments de conscience, Arnaud Desjardins les appelle des « souvenirs » : on se souvient de soi-même, de son but, du sens de sa vie, et on reste maître de soi.

5 – Trouver son maître

Comme en thérapie, on ne peut s’engager sur les chemins de la sagesse sans être guidé par un être d’expérience ayant fait le chemin. Il stimule, bouscule, écoute et répond aux questions. « Si une personne ne réunit pas ces compétences, elle n’est en aucun cas un maître, mais un de ces aveugles guidant les aveugles… » Le maître ne révèle pas sa qualité par des prodiges spectaculaires, mais par sa réponse à une demande juste. Comment trouver son maître ? Par recommandation, en lisant des livres sur le sujet, au gré de retraites, etc. Puis le disciple s’arrête à celui qu’il reconnaît comme tel.
Mais le plus important n’est pas « d’avoir un maître », mais bien « d’être un disciple »

Source: L’enfant de coeur

Bonne lecture, bon dimanche: Claude Sarfati

Arnaud Desjardins rencontre Svâmi Prajnânpad

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Svâmi Prajnânpad, appelé Svâmiji par ses disciples indiens et français, était un sannyâsin bengali, très peu connu aussi bien en Inde qu’en Occident. Depuis sa mort en 1974, ses disciples, peu nombreux, donnent chacun une vision différente de cet homme, qui leur paru exceptionnel à bien des égards.

Daniel Roumanoff a rassemblé quelques-unes de leurs remarques qui permet de donner une première approximation de ce qu’il a été:
– « Un esprit scientifique qui a montré la logique de l’élan vers la libération et qui offre, dans un langage réinventé pour notre époque, les vérités de toujours, qui présentées traditionnellement n’ont pour nous plus de signification. »
– « II s’est servi de Freud comme d’un marchepied pour faire découvrir les vérités de l’advaita. »
– «L’être parfait par excellence. Celui dont on ne peut rien dire justement parce qu’il est parfait. »
-« II est avant tout amour, amour d’une qualité telle qu’une fois entré dans le cœur d’une personne, non seulement cet amour ne meurt pas avec le temps, mais se développe et grandit au gré des circonstances de la vie. »
Au travers de ces appréciations diverses transparaissent quelques-uns des traits qui rendent la personnalité et l’enseignement de Svâmi Prajnânpad si attirants pour un Occidental.
Swami PRAJNANPAD (Chinsurah, 1891 ; Channa, 1974)

Pour lui l’enseignement tenait en trois lettres : oui

Aussi peu connu en Inde qu’en Occident, ce sage fut découvert en 1959 par Daniel Roumanoff et révélé par Arnaud Desjardins qui était l’un de ses disciples. Yogeshvar Chattopadhyaya est né le 8 février 1891 à Chinsurah, petit village du Bengale non loin de l’ancien comptoir français de Chandernagor. C’est un brahmane, élevé et éduqué selon la plus stricte orthodoxie hindoue. Très tôt l’enfant fait preuve d’un esprit vif et curieux remettant en cause l’autorité et la tradition si elles ne lui paraissent pas justifiées.

En 1912, il termine ses études secondaires et s’inscrit à l’université de Calcutta où il passe, trois ans plus tard, un diplôme de physique. Après avoir rejoint le mouvement de non-coopération fondé par Gandhi, il enseigne dans des collèges (1919-1920). À cette époque, il désire se consacrer à l’éducation populaire et participe aux « Vidyapith ». Ce sont des collèges indiens entièrement destinés à des élèves recevant une formation à la fois occidentale et moderne et hindoue traditionnelle. En 1921, il collabore avec Rajendra Prasad, le futur président de la République indienne, au « Bihar Vidyapith ». En même temps sa vie est austère. Il a fait vœu de pauvreté et n’a en tout et pour tout que deux pagnes et deux châles. Il se nourrit de peu et, continent, il impose ce mode de vie à sa femme. Plus tard, il mettra en garde ses disciples contre cette erreur déplorable, l’idéalisme.

En 1921, Yogeshvar rencontre son maître, Niralamba Swami (1897-1930) qui habitait à Channa, au nord de Calcutta. Un an après, il enseigne la littérature anglaise, la philosophie indienne et la physique au célèbre « Kashi Vidyapith » de Bénarès. C’est dans la bibliothèque de l’école qu’il découvre Freud. Cette lecture sera une révélation, car à cette époque il cherche un lien entre les Upanishads (textes sacrés indiens) et la vie quotidienne. Ce chaînon manquant lui est fourni par la psychanalyse. Il y voit le moyen d’assurer le passage entre la conscience étroite et individuelle emprisonnée par l’ego et la conscience élargie dont parlent les Upanishads.

En 1925, il devient sannyasin et part vivre dans l’Himalaya où la pratique de jeûnes prolongés fragilise sa santé et l’oblige à s’arrêter. II rentre six mois plus tard au « Kashi Vidyapith ». C’est en 1928, avec certains de ses étudiants devenus disciples qu’il commence un intense travail sur les émotions qui s’inspire de la lecture de Freud. Il appelle ce travail « psychanalyse » et le désignera plus tard sous le terme de « Manonasha » (destruction du mental) emprunté au « Yogavasistha ». Ce travail sera effectué dans l’obscurité, allongé, et appelé plus tard « lying » par ses disciples français. C’est en 1930 que se produit la transformation radicale et irréversible de Swamiji qui fait de lui un « sage ». En 1930, à la mort de son maître, il s’installe à l’ashram de Channa (Bengale) où il mourra en 1974.

Selon Swami Prajnanpad, il n’y a pas d’opposition entre science et spiritualité. Ne dit-il pas : « Qu’est-ce que la science ? Uniquement la recherche de la Vérité. »

Par ailleurs, alors que beaucoup de spiritualistes ont rejeté Freud et la psychanalyse, lui s’y intéresse, car : « Freud a établi de manière scientifique et rigoureuse ce que les sages des siècles passés ont trouvé par eux-mêmes de manière intuitive, mais non, fondée scientifiquement. » Dans son enseignement (Adhyatma Yoga), Swami Prajnanpad développe deux lois : la différence et le changement. La différence est dans les formes et l’apparence, tandis que l’unité est dans la Réalité, dans ce qui est. Le changement ou deuxième loi de la nature est « la différence dans le temps ». Ce qui vient s’en va. La vie est pour la mort, l’apparition pour la disparition. L’action-réaction est le mode de fonctionnement du changement. C’est l’expression de l’énergie infinie. Dans la manifestation, pour tout effet, il y a une cause. Il n’y a donc ni accident, ni miracle, ni destin. Le karma (poids des actions du passé) est un autre terme pour désigner l’hérédité, puisqu’il n’y a pas de séparation entre ce qui est mental et physique. Tout ce qui nous arrive, c’est nous qui l’attirons. Nous sommes responsables de notre bonheur puisque le monde extérieur est neutre. Pour illustrer le passage de la dualité à la non-dualité, le maître bengali donne souvent l’exemple du pendule. Le mouvement part de la position d’équilibre et lorsque le jeu d’action-réaction est épuisé, le pendule tend à revenir à cet état neutre, stable, en équilibre. Mais quelle est la cause de la rupture de cet équilibre ? Prajnanpad l’attribue au refus. Tout est construit sur le refus, créateur de toute dualité. Refuser c’est dire non à ce qui est, au changement. Le refus crée le plaisir et la souffrance aussi inséparables que les deux faces d’une pièce de monnaie. Ils sont produits par un découpage arbitraire, une séparation au sein d’une réalité unique. Ce découpage est le fait de l’ego dont le maître d’œuvre est le mental : organe central du refus dont l’aspect intellectuel est la pensée, l’aspect affectif, l’émotion et le désir. Pour s’en libérer, il faut le traquer sans relâche en le confrontant aux faits réels.

Extraits de : Bruno Soft, Mystiques et maîtres spirituels contemporains, éd. Pocket

Site officiel de Svâmi Prajnânpad.

 

Bonne lecture, bonne écoute: Claude Sarfati

Etre, c’est être libre d’avoir (A. Desjardins)

MAIN-TERRE

Il est des mots qui résonnent, font écho en nous, traversent notre corps et notre esprit.

Des mots qui nous libèrent au moment où nous sommes prêts à les intégrer.

Les mots sont vivants, ils ont le pouvoir de nous transformer, de nous rendre meilleur.

Comprendre la nature de notre attachement à « l’avoir », c’est déjà commencer le processus de la déconstruction.

Libérés de nos attachements, que reste-t-il ?

Arnaud Desjardins  auprès de Svami Prajnanpad à appris le sacrifice salvateur du renoncement.

Bon dimanche: Claude Sarfati

Tout est matière transformée selon Gurdjieff

Tout dans le monde est matériel et – conformément à la loi universelle- tout est en mouvement et en continuelle transformation. Cette transformation va de la matière la plus subtile à la matière la plus grossière, et vice versa. Entre ces deux extrêmes, il y a de nombreux degrés de densité de matière.

Cette transformation de la matière ne s’effectue pas de manière égale et continue. A certains stades de ce développement se produisent des arrêts qui correspondent en quelque sorte à des stations de transmission. Ces stations sont constituées par tout ce qui peut être organismes, au sens large de ce mot- le soleil, la terre, l’homme, le microbe. Ces stations sont des transformateurs, elles transforment la matière aussi bien dans le mouvement ascendant, où elle s’affine, que dans le mouvement descendant, où elle se densifie. Cette transformation s’opère de façon purement mécanique.

La matière est partout la même, mais sur chaque niveau sa densité est différente. Par suite, chaque matière a sa place propre dans l’échelle générale des matières et il est possible de dire si elle est en voie de devenir plus fine ou plus dense.

Les transformateurs différent seulement par leur échelle. L’homme est une station de transmission aussi bien, par exemple, que la terre ou le soleil; il est le siège des mêmes processus mécaniques.

Il s’opère en lui la même transformation de formes supérieures de la matière en formes inférieures, et de formes inférieures en formes supérieures.

Cette transformation de substances suivant deux directions- l’évolution et l’involution – ne s’opère pas seulement le long de la ligne principale qui va du plus subtil au plus épais et vice versa, mais, de cette ligne à chaque station intermédiaire, sur chaque niveau, se développent des branches latérales.

La matière nécessaire peut alors être captée et absorbée par une entité donnée, et sert ainsi à son évolution ou à son involution. Toute chose absorbe, c’est-à-dire se nourrit de quelque chose, et sert à son tour de nourriture. C’est là ce que signifie « échange réciproque ». Cet échange réciproque s’effectue en tout, aussi bien dans la matière organique que dans la matière inorganique.

Comme je l’ai dit, tout est en mouvement.

Aucun mouvement ne suit une ligne droite, chaque mouvement comporte deux directions simultanées: il est en rotation sur lui-même et tombe vers le centre de gravité le plus proche, conformément à la loi de chute. C’est ce que l’on appelle habituellement le mouvement.

Cette loi universelle était connue dans des temps très anciens. Nous pouvons le déduire de certains événements du passé qui ne se seraient jamais produits si les hommes d’alors n’avaient pas possédé cette connaissance. Jadis les hommes savaient comment utiliser et contrôler ces lois de la Nature.

Cette direction artificielle des lois mécaniques par l’homme est de la magie et implique non seulement une transformation de substances dans la direction voulue, mais aussi de la résistance, l’opposition à certaines influences mécaniques reposant sur les mêmes lois.

Ceux qui connaissent ces lois universelles et savent comment s’en servir sont des magiciens. Il y a une magie blanche et une magie noire. Les mages blancs se servent de leurs connaissances pour le bien; les mages noirs s’en servent pour le mal, pour leur propres fins égoïstes.

De même que la Grande Connaissance, la magie qui existe depuis les temps les plus anciens n’a jamais été perdue et le savoir qu’elle contient est resté le même. Seule la forme sous laquelle ce savoir s’exprimait et se transmettait a changé selon le lieu et l’époque.

Nous parlons maintenant dans une langue qui, dans deux cents ans, ne sera plus la même; il y a deux cents ans, elle était différente. De même la forme dans laquelle la Grande Connaissance a été exprimée à un moment donné devient à peine compréhensible pour les générations suivantes; elle est prise presque exclusivement de manière littérale. Pour la plupart des gens, le contenu intérieur est perdu.

Dans l’histoire de l’humanité se déroulent parallèlement deux lignes de civilisation indépendantes l’une de l’autre: la ligne ésotérique et la ligne exotérique. Invariablement, l’une l’emporte sur l’autre et se développe tandis que l’autre s’estompe. Une période de civilisation à dominante ésotérique apparaît quand les conditions extérieures, politiques et autres, sont favorables. Il en fut ainsi pour le christianisme. La connaissance, assumant la forme d’un enseignement correspondant aux conditions de temps et de lieu, se trouve alors largement répandue. Mais, tandis que pour certains la religion sert de guide, pour d’autres ce n’est qu’un gendarme…

Tout est matériel

Essentuki, 1918

Georges Ivanovitch Gudjieff

Gurdjieff parle à ses élèves

Editions du ROCHER

Amitiés: Claude Sarfati