un dialogue avec soi-même (3)

… Je me dis: « Que dois-je faire pour être libre de tout attachement? » A quel mobile est-ce que j’obéis quand je veux être libre de tous liens.

N’est-ce pas au désir de parvenir à un état où il n’y a ni attaches, ni crainte, et ainsi de suite?

 Et tout à coup je me rends compte que tout mobile dicte une orientation et que celle-ci ne pourra que peser sur ma liberté.

Pourquoi avoir un mobile? Qu’est-ce qu’un mobile? Un mobile est un espoir, ou un désir, de réaliser quelque chose.

 Je constate que je tiens à un mobile.

 Outre ma femme, mon idée, la méthode, voici que mon mobile est lui aussi devenu objet de mon attachement!

 Ainsi, je fonctionne tout le temps dans la sphère de l’attachement à l’épouse, à la méthode et au mobile qui me pousse à atteindre un objectif ultérieur.

 A tous trois, je suis attaché.

 Je m’aperçois que j’ai abordé une question de la plus haute complexité; je ne m’étais pas rendu compte qu’être libéré de l’attachement impliquait tout cela.

 Maintenant je le vois tout aussi clairement que les autoroutes, les routes communales et les villages marqués sur une carte; rien ne m’apparaît plus évident.

Alors je me dis:  m’est-il possible d’être libre de ce grand attachement que j’éprouve à l’égard de ma femme, comme à l’égard de la récompense que je pense obtenir, et à l’égard de mon mobile? 

 Je tiens à tout cela.

Pourquoi?

 Est-ce parce que j’ai un épouventable sentiment de solitude, auquel je cherche à échapper en m’accrochant à une femme, à une idée, à un mobile, comme s’il me fallait me cramponner à quelque chose?

C’est bien cela; je suis solitaire et j’échappe à ce sentiment d’isolement extrême en m’attachant à quelque chose.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (2)

… Au début, je cherche à fuir la question. Je ne sais pas où tout ça pourrait me mener avec ma femme. Si je me détache vraiment d’elle, nos relations risquent de changer. Elle pourrait me rester attachée, tandis que moi je ne le serais plus, ni à elle ni à une autre femme. Néanmoins, je vais m’enquérir. C’est à dire que je ne vais pas fuir ce que j’imagine pouvoir être les conséquences d’une libération totale de tout attachement. Je ne sais pas ce qu’est l’amour, mais je vois très clairement, avec une certitude absolue, que l’attachement que je porte à ma femme va de pair avec la jalousie, avec l’esprit de possession, avec la crainte et l’anxiété, je veux être libre de tout cela.

Alors je commence mon enquête; je cherche une méthode, et je me fais piéger par un système. Un quelconque gourou dit: « je vais vous mettre sur la voie du détachement, faites ceci et cela; adonez-vous à tel ou tel exercice ». J’accepte ce qu’il me dit sachant combien il importe d’être libre et parce qu’il me promet qu’en suivant la ligne de conduite qu’il me fixe j’aurai ma récompense. Je constate alors, qu’en agissant ainsi, je suis en quête d’une récompense. Je découvre ma sottise: Voulant être libre, je m’attache à l’espoir d’une récompense.

Je ne veux pas me lier, or, me voici prêt à m’attacher à l’idée que quelqu’un, quelque livre ou quelque méthode me récompensera en me libérant de l’attachement. Ainsi la récompense devient une chaîne. Alors je me dis: « regarde ce que tu as fait; fais attention; ne te laisse pas prendre à ce piège ». Qu’il ait pour objet une femme, une méthode ou une idée, ce n’en est pas moins de l’attachement. A ce stade, je suis très attentif, car j’ai appris quelque chose; j’ai appris à ne pas renoncer à un attachement au profit d’autre chose, qui se révèle être encore un attachement.

J.Krishnamurti

(extrait n°2 d’une discussion qui eut lieu lors du Brockood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (1)

Je me rends compte qu’il ne peut y avoir amour quand il y a jalousie, qu’il ne peut y avoir amour quand il y a attachement.

Mais peut-on être libre de jalousie et d’attachement?

je m’aperçois que je n’aime pas. Cela est un fait.

Pourquoi me moquer de moi-même; pourquoi prétendre à ma femme que je l’aime. Je ne sais pas ce qu’est l’amour.

En revanche je sais fort bien que je suis jaloux, et je sais que je suis terriblement attaché et que, dans l’attachement, il y a de la crainte, il y a de la jalousie, de l’angoisse; il y a un sentiment de dépendance.

Je n’aime pas être dépendant, mais je le suis parce que je me sens solitaire. On me bouscule au bureau, à l’usine et, et quand je reviens chez moi, je peux trouver du réconfort, une présence; je veux échapper à moi-même.

Alors je me demande: Comment puis-je être libre de cet attachement?

je parle d’attachement à titre d’illustration, comme je pourrais parler d’autre chose…

Un dialogue avec soi-même, J. Krishnamurti

extrait (n° 1) d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood park Gathering, le 30 août 1977

Suis-je dans mon assiette ?

les nourritures 1

 

Il existe un hexagramme dans le Yi King composé de deux traits Yang (premier et dernier traits) et de quatre traits Yin (au milieu). Cet hexagramme (GUA en Chinois) symbolise une bouche, il s’appelle : Yi : La nourriture ou Les commissures des lèvres. Il y est question de l’importance de ce dont on se nourrit.

027.Yi

Pour commencer cette nouvelle série d’articles autour de notre savoureuse « cuisine » je vous propose une réflexion d’Arnaud Desjardins sur ce sujet :

…Une femme : Vous avez évoqué les différents corps grossiers et subtils et les aliments favorables et défavorables pour les différentes parties de l’être humain. Je peux le comprendre à un niveau physique. Cela m’est beaucoup plus difficile de distinguer quelle est la nourriture qui peut m’être profitable sur le plan émotionnel. Par exemple, comment me positionner lorsqu’un proche est agressif ? Est-ce que cela est nocif pour moi ou pas ?

Arnaud : L’absorption, la digestion et l’assimilation des nourritures est un thème essentiel dans les grandes traditions spirituelles, un thème ésotérique. La tradition hindoue à laquelle je me réfère le plus souvent nous a transmis cette expression : sarvam anam, « tout est nourriture », ainsi qu’une formule que je soumets à votre réflexion : « l’existence consiste à se nourrir au niveau physique, culturel, artistique mais à quoi ou à qui est-ce que je sers de nourriture ? Une autre formule nous entraîne encore plus loin : « L’atman (la réalité ultime en nous) est ce qui ne mange rien et qui n’est mangé par rien ».

Mais revenons à l’expérience concrète. Comment est-ce que j’absorbe les nourritures, comment est-ce que je les digère, comment est-ce que j’élimine ce qui ne peut pas être assimilé ? En ce qui concerne le processus physiologique de la digestion au cours duquel l’organisme transforme les aliments en nutriments et sélectionne les éléments assimilables ou non, pourrait-il y avoir une différence selon que j’absorbe les nourritures en état de présence à moi-même ou sans attention particulière ?…

Page 205 : Les nourritures subtiles

La traversée vers l’autre rive (Rencontres au Mexique)

Arnaud Desjardins , Véronique Desjardins

Editions Accarias L’ORIGINEL

Bon appétit: Claude Sarfati.

Le point d’ancrage

Cenote - Mexique

Près de trois ans s’étaient écoulés.

Trois ans c’est beaucoup pour un enfant…

A vingt ans, c’est un instant ou presque.

J’étais enfin de retour dans mon bout de monde.

Pratos fut le premier qui vint à ma rencontre,

Nous nous somme serrés dans nos bras avec joie.

-Tu tombes bien, beaucoup d’amis sont là.

En effet, je voyais des petits groupes de personnes derrière lui ; des mexicains, des américains, espagnols, italiens, français, etc.

Je saluais poliment tout ce beau monde inconnu.

Puis la rencontre théâtrale avec la Doña qui me sentait arriver depuis longtemps et Graciela qui répétait sans cesse en sautillant de joie :

-Cela est vrai ! Cela est vrai !!

après avoir emménagé ma chambre, je suis revenu à la cuisine pour boire un bon café.

-Je t’ai préparé un bon café à la cannelle ! s’exclama la Doña.

-C’est jour de fête cria pratos assis sous la petite terrasse du restaurant.

Je retrouvai Pratos en compagnie d’un jeune homme très maigre, très blanc, avec de très longs cheveux et un chapeau ridicule.

-Alors Claudio, quelle heure est-il ? lança Pratos.

Je regardais la lumière du jour qui commençait à baisser sur la forêt,

-Vers 16h répondis-je.

-Exactement ! s’exclama l’ami de Pratos.

-Je te présente Juanito très fier de désigner son ami.

-Alors ? m’interrogea Pratos avec curiosité ? Tu le trouves comment ?

Je n’osais répondre…

Pratos en riant :

-Alors tu trouves qu’il à l’air de quoi ?

-D’un con ! répondis-je.

Nous étions pris d’un fou rire tous les trois, Graciela qui nous apportait le café à la cannelle, se mit à rire à son tour en nous suppliant d’arrêter, puis elle s’enfuit vers la cuisine où le rire de la Doña résonna dans tous le ranch.

-Pas à ce point ! me supplia Juanito

-Ah pire que ça, désolé…

Pratos heureux de ce moment de rire partagé proposa :

-Veux-tu que nous fassions un tour du monde ?

je m’attendais à tout de la part de Pratos, mais que répondre…

-Les tours du monde, je crois que ça marche en quatre-vingts jours…

-Pas ici ! s’exclama Pratos.

-Regarde, reprit-il en se levant, on prend par là et en quelques minutes, on arrive en Martinique, juste à côté, il y a le Cap vert, il y a même une rue de Los angeles California !

-On pourrait même aller voir la lune depuis la pyramide ! ajouta Juanito.

-Bon, bon répondis-je, buvons le café et partons ! (après tout…)

Ainsi, nous partîmes tous les…quatre, car un nouvel ami se joignait à nous: El roca ! un vrai mexicain, pur et dur !

El roca était très soigné, bien habillé et très courtois et ça ne l’étonnait en rien que nous marchions pour faire le tour du monde.

Après cinq minutes de marche, nous arrivions en Guyane…

Nous nous sommes assis sur des fauteuils en plastique rouge autour d’une table en fer.

-Quatre sodas ! commanda El roca, bien frais por favor señora

L’ambiance était différente, les couleurs jouaient sur la végétation géante et luxuriante.

-Alors ça te plaît la Guyanne ? s’amusa Pratos

Je n’ai jamais mis un pied en Guyane mais c’est bien l’image que j’en ai, avouais-je.

-J’ai vérifié, repris Juanito, il y a tous les minéraux et végétaux présents en Guyane.

Pratos m’assura que Juanito était une encyclopédie vivante.

-T’as lu des choses durant ton absence ? me questionna Pratos

-Le Yi King, le Tao Te King, un livre sur le Zen de Deschimaru

Pratos sortit un carnet et un crayon de sa veste, il dessina un œuf.

-Tu vois, admettons que cet œuf symbolise la totalité de la conscience,

-Où se trouve ton point d’ancrage ?

Mon point d’ancrage, je cherchais dans mes souvenirs de lecture, j’avais déjà lu ça.

C’était dans Voir de Carlos Castaneda que je venais de lire deux fois dans les trente heures passées dans le bus depuis la capitale.

-Dis-moi où planter le crayon ? reprit Pratos en approchant sa main de la feuille.

-Là ! répondis-je aussitôt en touchant la main de mon ami.

Il fit un point sur le bord interne de l’œuf.

-Voilà ton point d’ancrage, au mieux de son intensité, il peut irradier cette sphère (Pratos dessina un cercle autour du point).

-Cette bulle c’est ta conscience, tout ton possible. Maintenant, si nous bougeons ton point d’ancrage, que se passe-t’il ?…ça élargit ta conscience Claudio, tu comprends ?

-Oui, je comprends, mais comment faire pour bouger le point d’ancrage ?

-C’est facile ! s’exclama Pratos.

-Pas tant que ça reprirent El roca et Juanito.

-Bon, partons faire un tour ailleurs déclara Pratos, on va boire un coup en Martinique !

-En Martinique ! c’est au moins à cinq minutes, mais si Pratos entretient la conversation, ça peut être très loin ! se moquèrent El roca et Juanito.

Nous passâmes ainsi cette soirée ensemble, à écouter Pratos nous expliquer comment nous pouvions bouger notre point d’ancrage, comment nous pouvions nous libérer de nous-mêmes.

A la nuit tombée, sous la lune, nous avons regagné la pyramide à travers des chemins de paysans connus par mes amis.

L’intensité de la pyramide sous la lune était très forte, certains endroits (comme l’autel)crépitaient…Pratos nous invita à faire un sacrifice, en jetant un objet personnel dans le cenote rituel en bas de la pyramide sacrée des anciens Mayas.

Depuis mon départ de France, trois jours plus tôt, tout allait si vite…

Cette nuit là nous méditions tous les quatre sur la pyramide, soudain la pyramide devint vivante ; dans la forêt, derrière les nuages de brume, des portes se dessinaient dans la nuit, je rentrais par l’esprit dans un passage. La pyramide décolla littéralement et nous emporta à une vitesse jusqu’alors inconnue vers d’autres mondes, puis d’autres…

Sur le chemin de retour au ranch, seul Pratos parlait, encore et toujours de la conscience, Nous devrons être impeccables disait-il.

Je retrouvais mon lit avec joie, je me laissais emporter par le sommeil, là je retrouvais la pyramide et depuis ce jour, dans des rêves éveillés ou pas, elle me transporte vers de nombreux mondes.

Amitiés: Claude Sarfati