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Comment vos partisans interprètent la publicité et l’infrastructure commerciale en marge de votre travail littéraire qui entoure la connaissance que vous et vos compagnons disséminez ? Quelle est votre relation réelle avec Cleargreen Incorporated et les autres sociétés  (Laugan Productions, Toltec Artists) ? Je parle du lien commercial.

A ce point là de mon travail, j’avais besoin de quelqu’un capable de me représenter concernant la dissémination des idées de don Juan Matus. Cleargreen est une société qui a une grande affinité avec notre travail, tout comme Laugan Productions et Toltec Artists. L’idée de disséminer les enseignements de don Juan dans le monde moderne implique l’utilisation de medias commerciaux et artistiques qui ne sont pas à ma portée individuelle. En tant que sociétés ayant une affinité avec les idées de don Juan, Cleargreen Incorporated, Laugan Productions et Toltec Artists sont capables de fournir les moyens de disséminer ce que je veux disséminer. Il y a toujours une tendance chez les sociétés impersonnelles à dominer et à transformer tout ce qui leur est présenté, et de l’adapter à leur propre idéologie. Si il n’y avait pas un intérêt sincère de la part de Cleargreen, de Laugan Productions et de Toltec Artists, tout ce que don Juan a dit aurait à présent été transformé en quelque chose d’autre.

Il y un grand nombre de personnes qui, d’une façon ou d’une autre, « s’accroche » à vous afin d’acquérir une notoriété publique. Quelle est votre opinion sur les actions de Victor Sanchez, qui a interprété et réorganisé vos enseignements afin d’élaborer une théorie personnelle ? Et sur les affirmations de Ken Eagle Feather qui dit avoir été choisi par don Juan pour être son disciple, et que don Juan est revenu juste pour lui ?

En effet, il y a un grand nombre de personnes qui disent être mes étudiants ou les étudiants de don Juan, des personnes que je n’ai jamais rencontrées et qui, je peux le garantir, n’ont jamais rencontrées don Juan. Don Juan Matus était exclusivement intéressé par la perpétuation de sa lignée de chamans. Il avait quatre disciples qui sont encore là aujourd’hui. Il en a eus d’autres qui sont partis avec lui. Enseigner sa connaissance n’intéressait pas don Juan ; il l’enseignait à ses disciples afin de continuer sa lignée.

Dû au fait qu’ils ne pouvaient pas continuer la lignée de don Juan, ses quatre disciples ont été forcés de disséminer ses idées. Le concept d’un maître qui enseigne sa connaissance fait partie de notre système cognitif mais ne fait pas partie du système cognitif des chamans de l’ancien Mexique. Enseigner était pour eux absurde. Transmettre sa connaissance à ceux qui étaient sur le point de perpétuer sa lignée était un problème différent. Le fait qu’il y ait un certain nombre d’individus qui insistent pour utiliser le nom de don Juan est simplement une manœuvre facile pour en bénéficier eux-mêmes sans trop d’effort.

Considérons la signification du mot « spiritualité » comme étant un état de conscience dans lequel les êtres humains sont pleinement capables de contrôler le potentiel de l’espèce, quelque chose d’accompli en transcendant la simple condition animale au travers d’un dur entraînement psychique, moral et intellectuel. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ? Comment s’intègre le monde de don Juan dans ce contexte ?

Pour don Juan Matus, un chaman extrêmement sobre et pragmatique, la « spiritualité » était une idéalité vide, une assertion sans fondement que nous pensons être belle parce qu’elle est remplie de concepts littéraires et d’expressions poétiques, mais qui ne va jamais au-delà de ça. Les chamans comme don Juan sont essentiellement pratiques. Pour eux, il existe seulement un univers prédateur dans lequel l’intelligence ou la conscience est le produit de défis de vie et de mort. Il se considérait lui-même comme un navigateur de l’infini et disait que pour naviguer dans l’inconnu, comme le fait un chaman, on a besoin d’un pragmatisme sans limite, d’une extrême sobriété et de tripes en acier. En vue de tout cela, don Juan croyait que la « spiritualité » était simplement une description pour quelque chose d’impossible à atteindre à l’intérieur des schémas du monde de tous les jours, et que ce n’était pas une réelle façon d’agir.

Vous avez indiqué que votre activité littéraire, tout comme celles de Taisha Abelar et Florinda Donner-Grau, était le résultat des instructions de don Juan. Quel en est l’objectif ?

L’objectif d’écrire ces livres a été donné par don Juan. Il affirmait que même si on n’est pas écrivain on peut quand même écrire, mais écrire en tant qu’action littéraire est transformée en une action chamanique. Ce qui décide du sujet et du développement d’un livre n’est pas l’esprit de l’écrivain mais plutôt une force que les chamans considèrent comme le fondement de l’univers, et qu’ils appellent l’Intention. C’est l’Intention qui décide de la production du chaman, qu’elle soit littéraire ou de tout autre nature. D’après don Juan, un praticien du chamanisme a le devoir et l’obligation de se saturer avec toute l’information disponible. Le travail des chamans est de s’informer complètement à propos de tout ce qui est susceptible d’être relaté pour leur sujet d’intérêt. L’acte chamanique consiste à abandonner tout intérêt à diriger le cours que prend l’information. Don Juan avait l’habitude de dire : « Ce qui arrange les idées qui jaillissent d’un tel puits d’information n’est pas le chaman, c’est l’Intention. Le chaman est seulement un conduit impeccable. » Pour don Juan, écrire était un défi chamanique, pas une tâche littéraire.

Si vous me permettez la prochaine assertion, votre travail littéraire présente des concepts qui sont proches des enseignements philosophiques orientaux, mais il contredit ce qui est communément connu à propos de la culture indigène mexicaine. Quelles sont les similarités et les différences entre l’une et l’autre ?

Je n’en ai pas la moindre idée. Je ne suis instruit ni dans l’une ni dans l’autre. Mon travail est un compte-rendu phénoménologique du monde cognitif auquel don Juan Matus m’a présenté. Du point de vue de la phénoménologie en tant que méthode philosophique, il est impossible de faire des assertions qui sont reliés au phénomène examiné. Le monde de don Juan Matus est si vaste, si mystérieux et contradictoire, qu’il n’est pas pertinent dans le cadre d’un exercice de présentation linéaire ; tout ce qu’on peut faire c’est le décrire, et cela en soit est déjà un effort suprême.

En supposant que les enseignements de don Juan sont devenus une part de la littérature occulte, quelle est votre opinion à propos des autres enseignements de cette catégorie, par exemple la philosophie maçonique, le rosicrucianisme, l’hermétisme et des disciplines comme la kabbale, le tarot et l’astrologie, quand on les compare au nagualisme ?

Une fois encore, je n’ai pas la moindre idée de leurs prémisses, ou des points de vue et des sujets que traitent de telles disciplines. Don Juan nous a présenté le problème de naviguer dans l’inconnu, et cela prend tout notre effort disponible.

Est-ce que certains des concepts de votre travail, comme le point d’assemblage, les filaments énergétiques qui font l’univers, le monde des êtres inorganiques, l’intention, traquer et rêver, ont un équivalent dans la connaissance occidentale ? Par exemple, il y a certaines personnes qui considèrent que l’homme vu comme un œuf lumineux est une expression de l’aura.

Autant que je sache, rien de ce que don Juan nous a enseigné ne semble avoir une contrepartie dans la connaissance occidentale. Une fois, quand don Juan était encore là, j’ai perdu une année entière à chercher des gourous, des maîtres et des sages afin d’avoir une idée de leurs activités. Je voulais savoir s’il y avait quelque chose dans le monde de cette époque qui fut similaire à ce que don Juan disait et faisait. Mes ressources étaient très limitées et cela m’a seulement conduit à rencontrer des maîtres établis qui avaient des millions d’adeptes et, malheureusement, je n’ai pu trouver aucune similarité.

En se concentrant spécifiquement sur votre travail littéraire, vos lecteurs trouvent différents Carlos Castaneda. Nous trouvons d’abord un étudiant occidental quelque peu incompétent, souvent perplexe face au pouvoir de vieux indiens comme don Juan et don Genaro (principalement dans « L’herbe du Diable et la Petite Fumée », « Voir », « Voyage à Ixtlan », « Histoires de Pouvoir », et « Le Second Anneau de Pouvoir ».) Plus tard, nous trouvons un apprenti versé dans le chamanisme (dans « Le Don de L’Aigle », « Le Feu du Dedans », « La Force du Silence » et particulièrement dans « L’Art de Rêver ».) Si vous êtes d’accord avec cette assertion, quand et comment avez-vous cessé d’être l’un pour devenir l’autre ?

Je ne me considère pas moi-même comme un chaman, ou un maître, ou un étudiant avancé en chamanisme ; ni comme un anthropologue ou un scientifique en sciences sociales du monde occidental. Mes présentations ont toutes été les descriptions d’un phénomène qui est impossible à discerner selon les conditions de la connaissance linéaire du monde occidental. Je ne pourrais jamais expliquer ce que don Juan m’enseignait en termes de cause à effet. Il n’y avait aucun moyen de prédire ce qu’il allait dire ou ce qui allait se passer. Dans de telles circonstances, le passage d’un état à l’autre est subjectif et n’est pas quelque chose d’élaboré, ou de prémédité, ou le produit d’une quelconque sagesse.

On peut trouver des épisodes dans votre travail littéraire qui sont vraiment incroyables pour un esprit occidental. Comment quelqu’un qui n’est pas initié peut vérifier que toutes ces « réalités à part» sont réelles, comme vous l’affirmez ?

Cela peut être vérifié très facilement, en y consacrant totalement son corps, au lieu d’y consacrer son esprit. On ne peut entrer dans le monde de don Juan intellectuellement, comme un dilettante qui recherche une connaissance fugace et rapide. De plus, rien dans le monde de don Juan ne peut être vérifié absolument. La seule chose que nous pouvons faire est d’arriver à un stade de conscience accrue qui nous permet de percevoir le monde qui nous entoure de manière plus inclusive. En d’autres mots, le but du chamanisme de don Juan est de briser les paramètres de la perception historique et journalière et de percevoir l’inconnu. C’est pourquoi il se nommait lui-même un navigateur de l’infini. Il affirmait que l’infini se trouve au-delà des paramètres de la perception journalière. Briser ces paramètres était l’objectif de sa vie. C’est parce qu’il était un chaman extraordinaire qu’il a instillé ce même désir chez chacun d’entre nous. Il nous a forcé à transcender l’intellect et à incorporer le concept de briser les frontières de la perception historique.

Deuxième partie d’un interview de Carlos Castaneda publié par le magazine: Uno mismo au Chili et en Argentine en février 1997.

 

Amitiés

Claude Sarfati

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Par Daniel Trujillo Rivas.

Mr Castaneda, pendant des années vous êtes resté absolument anonyme. Qu’est-ce qui vous a conduit à changer cette condition et à parler publiquement des enseignements que vous et vos trois compagnons avaient reçus du nagual Juan Matus ?

Ce qui nous a poussé à disséminer les idées de don Juan Matus est un besoin d’expliciter ce qu’il nous a enseigné. Pour nous, c’est une tâche qui ne peut plus être reportée. Ses trois autres étudiantes et moi-même sommes arrivés à la conclusion unanime que le monde que don juan Matus nous a présenté se trouve à l’intérieur des possibilités perceptuelles de tous les êtres humains. Nous avons discuté entre nous de quel pourrait être le chemin approprié à prendre. Rester anonyme de la façon proposée par don Juan ? Cette option était inacceptable. L’autre chemin possible était de disséminer les idées de don Juan : un choix infiniment plus dangereux et épuisant, mais le seul qui, d’après nous, ait la dignité avec laquelle don Juan a imprégné tous ses enseignements.

En considérant ce que vous avez dit  à propos de l’imprévisibilité des actions du guerrier, et que nous avons pu corroborer durant trois décennies, pouvons-nous espérer que cette phase publique dans laquelle vous vous êtes engagée dure un moment ? Et si oui, jusqu’à quand ?

Il n’y aucun moyen pour nous d’établir de critère temporel. Nous vivons en accord avec les prémisses proposées par don Juan et nous n’en dévions jamais. Don Juan Matus nous a donné l’exemple formidable d’un homme qui vivait en accord avec ce qu’il disait. Et je dis que c’est un exemple formidable parce que c’est la chose la plus difficile à imiter ; être monolithique et en même temps avoir la flexibilité de faire face à n’importe quoi. C’était la façon dont don Juan vivait sa vie. A l’intérieur de ces prémisses, la seule chose que l’on peut être est un médiateur impeccable. On n’est pas le joueur dans ce jeu d’échec cosmique, on est seulement un pion sur l’échiquier. Ce qui décide de tout est une énergie consciente impersonnelle que les sorciers appellent l’Intention ou l’Esprit.

D’aussi loin que j’ai été capable de le  corroborer, l’anthropologie orthodoxe aussi bien que les défenseurs présumés de l’héritage de la culture précolombienne d’Amérique sapent la crédibilité de votre travail. La croyance selon laquelle votre travail est simplement le produit de votre talent littéraire qui est par ailleurs exceptionnel continue d’exister aujourd’hui. Il y a également d’autres domaines qui vous accusent d’avoir une éthique double parce que votre manière de vivre et vos activités sont supposément en contradiction avec ce que la majeure partie des gens attendent d’un chaman. Comment pourriez-vous éclairer ces suspicions ?

Le système cognitif de l’homme occidental nous force à nous fier à des idées préconçues. Nous basons nos jugements sur quelque chose qui est toujours « a priori », par exemple l’idée de ce qui est « orthodoxe ». Qu’est-ce que l’anthropologie orthodoxe ? Celle qui est enseignée dans les amphithéâtres d’université ? Pendant trente ans, les gens ont accusé Carlos Castaneda de créer un personnage littéraire simplement parce que ce que j’ai rapporté ne coïncide pas avec l’ « a priori » anthropologique, les idées établies dans les amphithéâtres ou dans le champs de recherche de l’anthropologie. Cependant, ce que don Juan m’a présenté ne peut s’appliquer qu’à une situation qui demande une action totale et, dans ces circonstances, très peu ou presque rien des préconceptions existantes. Je n’ai jamais été capable de tirer des conclusions sur le chamanisme car pour faire cela, on a besoin d’être un membre actif dans le monde des chamans.

Pour un scientifique en sciences sociales, disons par exemple un sociologue, il est très facile d’arriver à des conclusions sociologiques sur n’importe quel sujet relié au monde occidental, parce que le sociologue est un membre actif du monde occidental. Mais comment un anthropologue, qui passe tout au plus deux années à étudier d’autres cultures, peut-il arriver à des conclusions fiables à leur propos ? Il faut une vie entière pour être capable d’acquérir une appartenance à un monde culturel. J’ai travaillé durant plus de trente ans dans le monde cognitif des chamans de l’ancien Mexique et, sincèrement, je ne crois pas avoir obtenu l’appartenance adéquate qui aurait pu me permettre de tirer des conclusions ou même d’en proposer. J’ai discuté de cela avec des gens issus de différentes disciplines et ils semblaient toujours comprendre et être d’accord avec les prémisses que je leur présentais. Mais ensuite, ils me tournaient le dos et ils oubliaient tout ce à quoi ils avaient acquiescé et ils continuaient à soutenir des principes académiques « orthodoxes », sans se soucier de la possibilité qu’il puisse exister une erreur absurde dans leurs conclusions.

Quel est votre objectif en ne permettant pas d’être photographié, ni que votre voix soit enregistrée ou que vos données biographiques soient connues ? Cela affecterait-il ce que vous avez accompli au cours de votre travail spirituel, et si oui comment ? Ne pensez-vous pas qu’il aurait pu être utile pour certains chercheurs sincères de la vérité de savoir qui vous êtes vraiment, comme un moyen de corroborer qu’il est réellement possible de suivre le chemin que vous promulguez ?

En se référant aux photographies et aux données personnelles, les trois autres apprenties de don Juan et moi-même suivons ses instructions. Pour un chaman comme don Juan, l’idée principale derrière la réticence à fournir des données personnelles est très simple. Il est impératif de mettre de côté ce qu’il appelait « l’histoire personnelle ». S’échapper du « moi » est quelque chose d’extrêmement ennuyeux et difficile. Ce qu’un chaman comme don Juan recherche est un état de fluidité où le « moi » personnel ne compte pas. Il croyait qu’une absence de photographies et de données biographiques affecterait de façon positive, bien que subliminale, quiconque entre dans ce champ d’action.

Nous sommes sans arrêt accoutumés à utiliser des photographies, des enregistrements et des données biographiques, tout ce qui jaillit de l’idée de l’importance personnelle. Don Juan disait qu’il était préférable de ne rien savoir à propos d’un chaman ; de cette façon, au lieu de rencontrer une personne, on rencontre une idée qui peut être soutenue ; cela est à l’opposé de ce qui arrive dans le monde de tous les jours, où nous faisons face uniquement à des gens qui ont un grand nombre de problèmes psychologiques mais pas d’idées, toutes ces personnes sont remplies à ras bord de « moi, moi, moi ».

Première partie d’un interview de Carlos Castaneda publié par le magazine: Uno mismo au Chili et en Argentine en février 1997.

Amitiés

Claude Sarfati

Faut Vivre (Hommage à Mouloudji)

Il y a peut-être 150 millions de galaxies
contenant chacune 120, 150 millions d’étoiles…
À des centaines de milliers d’années lumières…
Il y a des centaines d’autres galaxies
contenant encore des milliards d’étoiles…
Poussière dans un Sahara d’étoiles…

malgré les grands yeux du néant
c’est pour mieux nous manger enfant
et les silences et les boucans…
faut vivre

bien qu’aveugles sur fond de nuit
entre les gouffres infinis
des milliards d’étoiles qui rient…

faut vivre…

malgré qu’on soit pas toujours beau
et que l’on ait plus ses seize ans
et sur l’espoir un chèque en blanc
faut vivre…

malgré le cœur qui perd le nord
au vent d’amour qui souffle encore
et qui parfois encore nous grise
faut vivre…

malgré qu’on ait pas de génie
n’est pas Rimbaud qui peu pardi
et qu’on se cherche un alibi
malgré tous nos morts en goguette
qui errent dans les rues de nos têtes
faut vivre…

malgré qu’on soit brave et salaud
qu’on est des complexes à gogo
et qu’on les aime c’est ça le pire
faut vivre…

malgré l’idéal du jeune temps
qui c’est usé au nerf du temps
et par d’autre repris en chantant
faut vivre…

malgré qu’en s’tournant vers l’passé
on est effrayé de s’avouer
qu’on a tout de même un peu changer
faut vivre…
malgré qu’on soit du même voyage
qu’on vive en fou, qu’on vive en sage
tout finira dans un naufrage

faut vivre…

malgré qu’au ciel de nos poitrines
en nous sentinelle endormie
dans un bruit d’usine gémit
le cœur aveugle qui funambule
sur le fil du présent qui fuit
faut vivre…

malgré qu’en nous un enfant mort
parfois si peu sourit encore
comme un vieux rêve qui agonise
faut vivre…

malgré qu’on soit dans l’engrenage
des notaires et des héritages
ou le cœur s’écœure et s’enlise
faut vivre…

malgré qu’on fasse de l’humour noir
sur l’amour qui nous en fera voir
jusqu’à ce qu’il nous dise au revoir
faut vivre…

malgré qu’à tous les horizons
comme un point d’interrogation
la mort nous regarde d’un œil ivre
faut vivre…

malgré tous nos serments d’amour
tous nos mensonges jour après jour
et bien que l’on ait qu’une vie
une seule pour l’éternité
malgré qu’on la sache ratée….

Faut vivre…

Mouloudji (1973)

Paroles : Mouloudji

Musique : Cris Carol

Il existe un enregistrement hommage à Mouloudji paru le 14 juin 2014 à l’initiative de ses enfants: Anabelle et Grégory, en voici le lien: Hommage à Mouloudji

Bon dimanche,

amitiés,

Claude Sarfati

Alexandre le grand et la fin des utopies

En 1980, le cinéaste Théo Angelopoulos, nous propose une réflexion sur le pouvoir au travers d’un film: Alexandre le grand.  L’histoire du film est simple:

Au début du XXème siècle, en Grèce. Un bandit de grands chemins, Alexandre, devient le héros du peuple pour avoir su répondre à leurs besoins de justice et de vérité. Mais il se prend au sérieux, recherche la déification, et trouve les bons moyens pour y parvenir. Il abandonne ainsi ses projets initiaux et devient un tyran. Contesté, puis répudié, le despote est éliminé par le peuple.

 » On est arrivé à la fin du siècle avec un goût amer » regrette le cinéaste.

Un siècle qui a pourtant commencé avec quelques promesses ».

Cette réflexion sur le pouvoir à travers le destin d’un libérateur devenu tyran, nous renvoie à notre propre relation, individuelle, collective que nous entretenons avec « le pouvoir ».

Le pouvoir que nous exerçons ou subissons à notre travail, dans notre famille, dans notre rôle social, etc.

Nous chérissons des idoles puis nous les massacrons avec une cruauté inouïe, sommes-nous restés des barbares?

Où bien refusons-nous tout simplement notre responsabilité personnelle dans tout ce qui se passe autour de nous, dans notre vie?

Ceux qui doutent de l’existence d’un libre arbitre peuvent méditer sur notre relation au pouvoir..

 

Cliquez ici pour voir et écouter Angelopoulos

 

Si nous déléguons ce pouvoir, nous aurons plus de facilité à nous déresponsabiliser par la suite; il nous suffira de tourner le dos à ceux en qui nous l’avons confiés.

Si nous refusons de déléguer ce pouvoir et que nous acceptons notre part de responsabilité dans tout ce qui se passe, pourrons-nous alors nous détourner de nous-mêmes?

Ce pouvoir comme un anneau sacré qui unit tous les êtres de la terre devrait être gardé par des « sages », des hommes remarquables (selon Gurdjieff) ou des « êtres nobles » (dans le Yi King).

La fin des utopies dont parlait Angelopoulos après la chute du mur de Berlin est aussi la fin d’un système, politique, sociologique, économique, etc.

Ceux qui croient  la prophétie de la fin du monde (prévue pour  la fin de l’année), peuvent-ils observer la fin de tout un paradigme qui se déroule déjà sous nos yeux?

La fin du monde ne sera pas un déluge, une catastrophe planétaire, etc.

Les catastrophes sont déjà là, un nouveau gouvernement n’y changera rien.

Que sont devenues les valeurs humaine en Grèce, en Espagne, en Italie, en Irlande, etc.

Bientôt en France… Nous cherchons toujours des boucs émissaires (ceux que l’on murmure à nos oreilles) mais quand prendrons-nous la juste mesure de cette profonde mutation qui nous affecte tous?

 

Agir, c’est d’abord ne rien faire,

…écouter, voir, sentir;

ensuite devenir pleinement responsable de ses capacités à Aimer, changer vraiment, devenir meilleur  parce qu’on le choisit.

Dans le film de Théo Angelopoulos: Alexandre le grand, seul un enfant échappe à la mort.

Soyons cet enfant, retrouvons l’innocence, la découverte d’un monde nouveau à chaque instant.

Amitiés: Claude Sarfati.