Le sage qui parle à travers le Yi King

Plusieurs hexagrammes définissent le guide avec lequel nous communiquons quand nous consultons le Yi King. Le quatrième hexagramme, la folie juvénile, appelle cette entité « le Sage« , celui qui est capable de nous enseigner les fonctionnements du monde caché. Il y est spécifié que c’est à nous de chercher le Sage et non pas au Sage de nous chercher. Ce guide est aussi évoqué dans le puits (Hex.48), en tant que puits dont l’eau claire et rafraîchissante est disponible à tous ceux qui y viennent et qui sont disposés à en boire l’eau (mettre les conseils en pratique).

L’eau du puits symbolise la vérité intérieure qui réside dans les couches les plus profondes de notre conscience et dans notre esprit inconscient. Cela signifie qu’en accédant à notre vérité intérieure, nous attirons la sagesse du Sage. Aller au puits symbolise le fait « d’entrer à l’intérieur de soi », comme lors de la contemplation et de la méditation. Les profondeurs du puits symbolisent un « lieu » à partir duquel nous pouvons percevoir le « monde caché » où réside le Sage (Plusieurs contes célèbres de la collection des frères Grimm montrent le puits comme un endroit à partir duquel nous pouvons accéder au monde caché). L’image du puits comme lieu où l’on peut accéder à la sagesse et à la perception intérieure est ainsi une référence figurative au monde caché, qui est là, autour de nous, et qu’on ne voit que lorsqu’on est en harmonie et présent intérieurement.

Il est écrit que pour tirer l’eau du puits, nous devons faire descendre la corde suffisamment bas. Ceci signifie que nous devons être totalement sincères lorsque nous approchons le Sage. Avec une attitude indifférente, sceptique ou examinatrice, « notre corde ne descend pas assez bas », il est également important que la cruche destinée à remonter l’eau ne soit pas « brisée« , auquel cas toute l’eau fuirait. Cela signifie que si nous doutons de la valeur de la sagesse, celle-ci nous est inaccessible et ne peut nous nourrir. Si, en approchant le Sage, nous cherchons seulement à confirmer notre vision étroite du monde, à entretenir des concepts que le Yi King considère comme incorrects ou décadents, ou bien encore si nous nous préoccupons de la futilité des formes extérieures, nous avalons « la vase du puits« . Si nous cherchons de l’aide pour nourrir des desseins égoïstes, nous attrapons des « poissons« . Quand il n’est pas temps de connaitre les réponses ou de réaliser nos desseins, on nous informe que « le puits (notre puits) est maçonné ». Tant que le puits est « maçonné« , il ne peut être utilisé, mais les travaux pour le remettre à neuf le rendront d’autant plus précieux à l’avenir.

L’eau du puits symbolise aussi notre connaissance intuitive. D’une manière ou d’une autre, le Sage et la vérité intérieure sont une seule et même chose. Le trésor de vérité intérieure qui nous est donné à la naissance est le grand cadeau divin que nous apportons avec nous dans ce monde. Au début, nous y sommes consciemment connectés, mais avec le conditionnement, cette connexion consciente se perd. Quand nous choisissons de travailler à notre développement spirituel- le plus souvent vers les quarante ans-, il est nécessaire de rétablir cette connexion et de la développer. Une personne qui entreprend ce travail n’a plus besoin de chercher le Sage en dehors, car elle restitue le Sage en dedans.

Le puits symbolise enfin l’universalité de la vérité qui gît, telle une nappe d’eau, sous tous les puits d’une communauté. De même que nous pouvons accéder à la bonne eau du puits si nous l’approchons de manière appropriée, nous pouvons avoir confiance que les autres reconnaîtront et suivront ce qui est universellement vrai et juste si nous les approchons correctement. Nous réalisons très rapidement que la vérité est toujours réconfortante et légère. Si, par exemple, un principe concernant le comportement humain n’est pas applicable universellement, il ne peut s’agir de la vérité. Inversement, si en entendant quelque chose de sinistre ou de sombre, nous pensons que cela ne peut appartenir à la vérité, cela n’est pas correct, car notre perspective est encore incomplète. Une perspective complète lève toujours les doutes et les peurs. Les grandes perceptions, comme les petites, possèdent cette qualité. Le Sage qui parle à travers le Yi King se décrit lui-même comme étant « un homme influent et compétent« , « un homme qui comprend le secret grâce auquel on fait prospérer un royaume« , « un souverain« , « un prince à la recherche d’assistants de valeur » et « un ami d’une grande aide« . Dans d’autres traits d’hexagrammes, le Sage est désigné au pluriel: « des hommes de valeur et expert à diriger » et des « assistants » qui « doivent être recherchés humblement, dans le secret où ils sont retirés« . Cette dernière expression peut également faire référence à la vérité intérieure réprimée et oubliée qui sommeille chez les autres, des personnes dont ont peut toutefois solliciter l’aide par le biais de la modestie, de la confiance et de la patience.

La philosophie du Yi King (2004)

Carol K Anthony

Editions Camélines

Les deux ordres de représentation des trigrammes du Yi King

Nous devons d’abord observer la succession des trigrammes par FUXI, et qui existait donc déjà à l’époque de la rédaction du livre des transformations, sous la dynastie Zhou.

Cette succession est appelée ordre du ciel antérieur ou ordre antérieur au monde. Les différents trigrammes sont rattachés à la rose des vents de la manière suivante ( on remarquera que les Chinois placent le sud en haut ) :

K’ien : le ciel et K’ouen : la terre, déterminent l’axe de direction nord-sud. Puis vient la relation Ken ( la montagne ) et Touei ( le lac ).

Leurs pouvoirs sont mis en rapport parce que le vent souffle de la montagne vers le lac et que les nuages montent du lac vers la montagne.

Tchen ( le tonnerre ) et Souen ( le vent ) se renforcent mutuellement lorsqu’ils apparaissent.

Li ( le feu ) et K’an ( l’eau ) sont opposés de façon irréconciliable dans le monde des phénomènes. Toutefois, dans les relations antérieures au monde, leurs effets ne se contrarient pas mais se maintiennent en équilibre.

Quand les trigrammes se mettent en mouvement, on observe un double mouvement : D’une part, le mouvement habituel ( dans le sens des aiguilles d’une montre ), qui s’additionne et se répand dans le cours du temps et par lequel sont déterminés les événements qui tombent dans le passé. D’autre part, un mouvement contraire, rétrograde, qui se replie et se contracte dans le cours du temps et par lequel se forment les germes de l’avenir.

Cela peut s’exprimer dans l’image suivante : Si l’on comprend la manière dont l’arbre se concentre dans la graine, on comprend le déploiement futur de la graine en arbre.

Voyons maintenant la succession des trigrammes selon l’ordre du roi Wen, appelée succession du ciel postérieur ou ordre intérieur au monde.

Les trigrammes sont ici sortis de leur ordre d’opposition par couples et présentés selon la succession temporelle de leur apparition dans la manifestation cyclique de l’année.

L’année commence à manifester l’action créatrice dans le signe Tchen ( l’éveilleur ), qui est placé à l’Est et signifie le printemps.

Le printemps naît : Les germes et les bourgeons apparaissent dans la nature. Ce moment correspond, dans la journée, au matin. Cet éveil est attribué au signe Tchen ( l’éveilleur ), qui jaillit de la terre sous forme de tonnerre et de force électrique.

Puis viennent les douces brises qui renouvellent le monde végétal. Ce moment correspond au signe du doux, du pénétrant, Souen. Souen, a pour image, d’une part le vent qui dissout la glace rigide, d’autre part le bois qui se développe organiquement. L’action de ce trigramme est de faire que les choses se coulent en quelque sorte dans leur forme, se développent et croissent pour acquérir la forme préfigurée dans le germe.

On arrive alors au point culminant de l’année, la mi-été, qui correspond dans la journée à midi. C’est la place du trigramme Li ( ce qui s’attache ), la lumière. Ici les êtres s’aperçoivent mutuellement. La vie organique végétale passe au stade de conscience psychique. Il convient de noter que le signe Li occupe la place du sud qui, dans l’ordre antérieur au monde, était occupée par le trigramme K’ien, le créateur. Li, se compose essentiellement du trait inférieur et du trait supérieur qui se sont inclus le trait central de K’ouen.

Pour parvenir à une parfaite compréhension, il faut toujours se représenter l’ordre intérieur au monde comme transparent, avec l’ordre d’avant le monde luisant à travers lui.

Survient ensuite la maturité des fruits des champs qui est assurée par K’ouen, la terre, le réceptif. C’est l’époque de la moisson, du travail en commun.

Elle est suivie de la mi-automne sous le signe du joyeux, Touei, qui conduit l’année à la maturité et la joie, comme le soir le fait pour le jour.

Vient alors la saison rigoureuse ou doit se manifester ce qui a été accompli. Il y a du jugement dans l’air. Les pensées retournent de la terre au ciel, au créateur, K’ien. Un combat se livre. C’est au moment précis ou le créateur établit son règne que l’action de la puissance obscure est la plus forte à l’extérieur. C’est pourquoi l’obscur et le lumineux s’excitent mutuellement. Aucun doute sur l’issue de la lutte, car c’est seulement le résultat final des causes préexistantes qui vient subir le jugement du créateur.

L’hiver s’avance ensuite, dans le signe de K’an ( l’insondable ), situé au nord : à la place de la terre dans l’ordre antérieur au monde. K’an à pour symbole le ravin.

Vient alors le travail qui consiste à engranger les récoltes. L’eau ne refuse aucun effort mais se tourne toujours vers les endroits les plus profonds, ce qui fait que tout afflue vers elle ; de même, l’hiver dans le cycle de l’année et minuit dans celui du jour sont l’heure ou l’on recueille. Le trigramme Ken, l’immobilisation, dont l’image est la montagne, contient un sens mystérieux. Ici, dans la tranquillité d’une profonde retraite, la fin de toutes choses est intimement liée dans la graine à un nouveau commencement.

Ainsi le cycle est fermé. Tout comme le jour ou l’année dans la nature, chaque vie, bien plus, chaque cycle d’événements vécus est un enchaînement qui relie l’ancien au nouveau.

Cela permet de comprendre pourquoi dans plusieurs des soixante-quatre hexagrammes, le sud-ouest signifie le temps du travail et de la communauté, et le nord-ouest le temps de la solitude, quand l’ancien est achevé et que le nouveau est commencé.

Si nous superposons les deux « cartes » du sage Fou Hi et du roi Wen, nous obtenons la roue des soixante quatre hexagrammes.

En observant maintenant, la disposition des hexagrammes dans la roue, nous constatons, qu’il y a une rupture brusque au trente et unième et au soixante-troisième hexagramme.

C’est une boucle qui rappelle le Tai-ki, symbole du Yin et du Yang.

Pakoua

Cette figure évoque toute la philosophie du Yi King : rien n’est jamais fixe, tout se transforme. Le Tai-Ki exprime l’aspect dynamique des opposés qui permettent d’engendrer le mouvement et donc la vie.

Le Yi King est, symboliquement, un livre qui exprime les transformations de la nature. Etres humains ( microcosme ) faisant partie de cette nature, les anciens Chinois ont codifié un système remarquable, permettant de connaître la graine et le développement d’une situation.

Claude Sarfati

Le Yi King, une rencontre.

J’ai découvert le Yi King au tout début des années 80.

Je participais à un groupe franco-mexicain d’inspiration Taoïste.

Notre quête était sincére, échapper à toute forme de conditionnements.

Sur ce chemin, souvent difficile voire périlleux, le Yi King nous aidait.

Nous étions des traqueurs de l’invisible, des chasseurs de conscience.

Depuis  »Le livre des changement » ne m’a plus quitté.

Amitiés: Claude Sarfati

La cosmologie du Yi King

 

Le deuxième livre du Yi King énonce que la source de toute chose est le Tai Chi, qui signifie « Un » ou « Unité première ». Cette source première est aussi appelée « Vide », ou « Réceptacle de l’Univers ». Elle est perçue comme étant immuable, éternelle et universelle. Elle est aussi considérée comme l’espace vide. Fonctionnant de manière analogue à l’esprit humain, la source première de toute chose est l’esprit cosmique, ou conscience cosmique.

Dans l’esprit humain, une pensée s’élève dans l’espace vide. Cette pensée donne naissance à une action. Dans l’esprit cosmique, l’image apparaît. Les Chinois voyaient dans l’apparition de cette image l’action du yang. C’est pourquoi, dans le Yi King, le yang est appelé le créateur. Toutefois, ce n’est que la moitié d’un tout. Son autre moitié est le yin, sa force opposée et complémentaire qui, dans le Yi King, est appelée le réceptif. L’image offerte par le yang est reçue et nourrie par le yin, qui lui donne la vie. Le fruit de cette interaction était perçue par les Chinois comme une création permanente – la « roue du changement » en mouvement perpétuel.

Au sein de cette complémentarité, le yin engendrait le yang grâce à son ouverture et à sa réceptivité, tandis que le yang engendrait le yin grâce à son honnêteté et à son activité. Une complémentarité rendue possible par le fait que les deux forces venaient se rencontrer à mi-chemin. Dans la pensée occidentale, on considère que les opposés s’annihilent l’un l’autre, mais dans la pensée orientale, on considère au contraire qu’ils s’engendrent et se complètent l’un l’autre. Transposée à la nature, la force descendante yang du soleil, manifestée comme lumière et chaleur, engendre l’action sombre et froide yin de la croûte terrestre, laquelle enfante tout ce qui y est planté.

Le pouvoir créateur et réceptif du yang et du yin sont perçus comme des forces en mouvement cyclique créant sans cesse de nouvelles donnes. Ce mouvement se déroule au sein du Vide, perçu donc comme origine et réceptacle ultime de toute chose. La structure de l’atome est une excellente analogie du mode de changement au sein de l’immuable. Les électrons, les neutrons et autres particules atomiques sont en révolution autour d’un noyau de matière au sein d’une enveloppe d’espace vide. L’espace vide fait partie intégrante de la structure de l’atome, de même que Tai Chi fait partie intégrante de la structure de l’existence.

Ainsi, toute chose existante possède en prépondérance des qualités soit yang, soit yin. La liste suivante est un exemple d’éléments répertoriés comme étant principalement yang ou yin:

                    YANG                                          YIN

                    Image                                          Réalité

                     Ciel                                             Terre

             Nombres impairs                           Nombres pairs

            Principe masculin                          Principe féminin

                  Lumière                                       Obscurité

Les êtres humains possèdent les deux forces originelles du microcosme. Il ne fait aucun doute, en effet, que nous disposons dans notre nature de composantes à la fois masculines et féminines. Avec notre intuition, nous pouvons accéder au monde intérieur, spirituel et caché du ciel (Le yang). Avec notre intellect, nous pouvons accéder au monde extérieur, matériel et manifeste de la Terre et de la Nature (Le yin). La structure des hexagrammes reflète ces relations. Par exemple, on dit que parmi les six traits qui composent un hexagramme, les trois du bas sont reliés à la terre et les trois du haut au ciel. Les deux traits du bas sont représentent également la Terre, les deux du milieu les êtres humains et les deux du haut le ciel. Par conséquent, les êtres humains – représentés par les traits du milieu – appartiennent à la fois au trigramme du ciel et à celui de la Terre. En tant qu’analogie spirituelle, cela montre que nous avons en nous la force lumineuse (le vrai soi) et la force obscure (le faux soi) et que nous sommes libres de suivre l’un ou l’autre. Le Créatif (Hex.1) explique que  notre destinée ultime consiste à consacrer notre vie à réaliser, en nous-mêmes, par le développement intérieur, la véritable image de nous, latente dans l’esprit de la « divinité« . Ainsi, la vie, telle qu’elle est dans le monde extérieur et matériel du changement constant, nous offre les opportunités dont nous avons besoin pour effectuer les choix qui nous permettront de réaliser notre nature spirituelle. Travailler à nous développer pleinement, c’est là notre destinée ultime, notre Tao personnel. Ce n’est ni plus ni moins que devenir ce que nous sommes réellement.

 

Carol K. Anthony

La philosophie du Yi King

Editions Camélines

 

Amitiés

Claude Sarfati

Le livre des transformations

                                                   

L’idée fondamentale du Yi-King est la transformation, le regard ne se focalise plus sur les situations particulières qui commencent et se terminent, mais sur le principe unique, la loi éternelle qui est à l’œuvre dans la transformation de chaque situation.

Cette loi du TAO, le flux éternel, englobe et pénètre tout, et ses manifestations dans le monde de la forme sont le jeu des deux forces Yin et Yang.

Il devient clair alors que toutes les situations qui surviennent dans le monde visible sont l’effet d’une image ou d’une idée venant du monde invisible. Le livre des transformations nous entraîne au-delà de toute théologie comme de tout système philosophique et sa fréquentation est un moyen de choix pour apprendre à lire l’ordre de l’Univers et pour établir l’harmonie en nous-mêmes.

En prenant connaissance des lois qui régissent l’ordre de l’univers rien ne peut plus nous surprendre ni nous affecter, car nous prenons conscience qu’il n’y a pas d’acquisition définitive, tout commence et se termine, l’apogée contient les germes du déclin, la défaite prépare la victoire future.

Il faut donc nous garder de nous identifier à la situation heureuse ou malheureuse dans laquelle nous vivons pour tenir compte, toujours, de la présence invisible du pôle contraire déjà en œuvre.

La transformation, tel est le secret de la sagesse millénaire contenue dans le Yi-King.

 

Source: Le guide marabout du Yi-King (1982)

Claudine ROLAND

Editions MARABOUT

Amitiés

Claude Sarfati