Mémoire plus vieille que nous…

Depuis dix ans, l’exploration du passé s’est trouvée facilité par les nouvelles méthodes basées sur la radioactivité et par les progrès de la cosmologie. Il s’en dégage deux faits extraordinaires (Docteur Bowen: The exploration of time, Londres,1958).

1° La terre serait contemporaine de l’Univers. Elle serait donc vieille d’environ 4500 millions d’années. Elle se serait formée en même temps et peut-être avant le Soleil, par condensation des particules à froid.

2° L’homme tel que nous le connaissons, l’homo sapiens, n’existerait que depuis 75000 ans. Cette période très courte aurait suffi pour passer du préhominien à l’homme. Ici, nous permettons de poser deux questions:

a) Au cours de ces 75 000 années, l’humanité a-t-elle connu d’autres civilisations techniques que la nôtre?

Les spécialistes, en chœur, nous répondent non. Mais il n’est pas évident qu’ils sachent distinguer un instrument d’un objet dit de culte. Dans ce domaine, la recherche n’est pas même commencée. Cependant, il y a des problèmes troublants. La plupart des paléontologues considèrent les éolithes (pierres découvertes près d’Orléans en 1867) comme des objets naturels. Mais certains y voient l’œuvre de l’homme. De quel « homme »? Autre que l’homo sapiens. On a trouvé d’autres objets à Ipswich, dans le Suffolk; ils démontreraient l’existence d’hommes tertiaires dans l’Europe occidentale.

b) Les expériences de Washburn et de Dice prouvent que l’évolution de l’homme a pu être causée par des modifications très triviales. Par exemple, un léger changement des os du crâne (Pour prouver le bien-fondé de sa thèse, Washburn a modifié le crâne des rats en le faisant passer d’une forme « néandertaloïde » à la forme « moderne« ). Une seule mutation, et non pas, comme on l’avait cru, une conjonction complexe de mutations, aurait suffi pour passer du préhominien à l’homme.

Ainsi, en 4500 millions d’années, une seule mutation. C’est possible. Pourquoi serait-ce certain? Pourquoi n’y aurait-il pas eu plusieurs cycles d’évolution avant cette soixante-quinze millième année  d’humanité, ou plutôt d’autres êtres pensants ont pu apparaître et disparaître. auraient pas laissé de traces visibles à nos yeux, mais leur souvenir persisterait dans les légendes. « Le buste survit à la cité »; leur souvenir pourrait avoir survécu aux centrales d’énergie, aux machines, aux monuments de leurs civilisations englouties.  remonte peut-être beaucoup plus loin que notre propre existence, que l’existence même de notre espèce. Quels enregistrements infiniment lointains se dissimulent dans nos chromosomes et nos gènes vient ceci, âme de l’homme, d’où te vient ceci?.. »

Source: Le matin des magiciens

Louis Pauwels

Jacques Bergier

Editions Folio

La psychologie peut-elle contribuer a la paix?

 

De France, d’Italie, de Suisse, ou plutôt du lointain univers de la perception extra-sensorielle, du très lointain univers de l’expérience visionnaire, du plus lointain univers de l’illumination libératrice, nous atterrîmes à Copenhague, plus précisément au Congrès de Psychologie Appliquée.

Qu’est-ce que la Psychologie Appliquée? Il est plus facile de demander: qu’est-ce qui n’est pas de la Psychologie Appliquée?

Réponse: a peu prés rien de ce qui concerne, du moins, le comportement individuel (statistiquement) normal. Ce vaste sujet était discuté, à Copenhague, par 1.300 délégués, qui écoutaient deux ou trois cents communications sur tous les problèmes concevables, depuis « Le dessin comme Expression de l’Estime de Soi » jusqu’à « Recherche Sociale dans l’Antarctique ».

Le monde est plein de tant de choses, les universités, pleines de tant de psychologues, que je ne peux guère rendre justice à tout ce qui fut dit et lu à Copenhague. Je me bornerai donc à la plus importante des questions, à celle, hélas! qui fut le moins expertement traitée, Est-ce que la psychologie peut contribuer à la détente internationale, à la solution des conflits, au maintien de la paix?

La conférence d’ouverture, faite par le professeur Osgood, ainsi que les textes lus le lendemain étaient pleins de suggestions intelligentes et humaines. On écoutait avec approbation, mais en même temps avec un doute obsédant. Est ce que les suggestions intelligentes et humaines seraient acceptées? Dans le climat historique et idéologique actuel, pouvaient-elles seulement être entendues? Il est évident que, comme le disait le docteur Baumgarten-Tramer, il existe une urgente nécessité d’appliquer les données de la psychologie au gouvernement des hommes. Mais est-il probable que les quelques douzaines de politiciens, de généraux, de technologues, à la merci desquels se trouvent les 2.900 millions d’humains, consentiront à aller à l’école et à apprendre la si indispensable psychologie des dirigeants? Ces quelques hommes monstrueusement puissants, maîtres des destins de l’espèce, sont eux-mêmes les prisonniers de traditions politiques et philosophiques qui, poussant sur le terrain de l’idolâtrie nationaliste et dogmatisme idéologique, ont inévitablement produit la guerre.

Le névropathe est un individu qui répond à la situation présente par des réactions obsessionnelles, orientées vers un passé maladivement persistant. Aussi longtemps que les sociétés obéissent à de vieilles notions fausses, fossilisées en dogmes, elles manifestent les symptômes d’une névrose collective, et les quelques hommes puissants entre les mains desquels l’humanité se débat sont les premières victimes de cette aliénation qui aveugle sur les réalités présentes.

Autrefois, quand le changement technologique et démographique était lent, les sociétés pouvaient s’offrir le luxe de la névrose collective. Aujourd’hui, le comportement politique dicté par l’obsession du passé, autrement dit par les vénérables traditions périmées, par les vieux concepts stupides, ou véritablement diaboliques, élevés au rang de principes imprescriptibles, est de nature tragiquement impropre à administrer le monde.

Quelle formidable machine que l’homme!

Article d’Aldous Huxley

Revue Planète 1962.

Vers un changement d’état

L’autre dimension de l’Œuvre divine est étrangère aux nôtres mais non pas abstraite puisqu’elle plonge dans les profondeurs du ciel. La seconde humanité, « selon l’esprit », est engendrée comme la première mais non pas par la « poussière » ni par la « semence » terrestre, la « semence » spécifique. Elle naît de la Parole, du Verbe d’En-Haut, de l’Amour et non plus seulement du désir. Ainsi l’Esprit opère par une effusion de ses puissances jusqu’à réaliser le passage du naturel au surnaturel ce qui exige une mutation réelle et concrète de l’ensemble de l’humanité aussi bien qu’une transformation intellectuelle, morale et spirituelle. C’est pourquoi dans « Le Phénomène Spirituel », le P. Teilhard assimile la spiritualisation à un véritable changement d’état cosmique, ce qui exige aussi une métamorphose intégrale de la matière telle que nous pouvons l’observer.

Ainsi, considérant l’immensité unité du Tout, le P. Teilhard en déduit une conséquence très hardie mais logiquement et « économiquement » nécessaire, à savoir que la Morale représente l’aboutissement supérieur de la Mécanique et de la Biologie, le Monde se construisant finalement par des puissances morales et la Morale ayant pour fonction essentielle d’achever la construction du Monde, de l’Edifier.

Cette conception teilhardienne dépasse de beaucoup les limites étroites de l’intérêt de l’individu et de la société en fonction desquels, jusqu’à présent, a été comprise la valeur morale. Le P. Teilhard n’hésite pas à opposer la morale du mouvement de spiritualisation à la morale classique de l’équilibre de systèmes soucieux de se maintenir par une limitation arbitraire de l’énergie vivante. Il y a là les fondements d’une dialectique et d’une éthique qui peuvent changer la plupart de nos jugements et nos échelles de valeur. Quels qu’en soient les dangers ils ne sauraient être plus graves que ceux qu’implique actuellement la sclérose évidente du processus de spiritualisation de l’humanité.

Source: Les deux clés de Teilhard de Chardin par Thomas Thibert

Revue PLANETE  OCT/ NOV 1961

Le lieu d’origine de l’humanité?

Après ses explorations asiatiques, le P. Teilhard devait, dans les dernières années de sa vie, dégager pleinement les conséquences de nouvelles recherches entreprises en Afrique. Selon toute apparence, l’homme fossile était, relativement, un nouveau venu en Europe et en Asie. Par contre, il se révélait sur le continent africain comme étant autochtone. Le lieu d’origine de l’humanité devait donc être recherché en Afrique et, probablement, dans la région du Kenya. Enfin, la comparaison du continent africain avec l’américain, le rapprochement opéré au contact des faits entre la structure génétique des faunes et celle des continents, donnaient des arguments positifs à la thèse d’une structure génétique de l’humanité considérée comme une unité biologique d’ampleur planétaire, ce qui résume cette note singulière du P. Teilhard, datée de 1953:

 » Impression: Mer = (Immense holocauste)… = Enorme masse biologique avec taux de conscience faible. Continentalisation et Conscientisation. Homme: fonction des continents, de granitisation… »

Dans ce passage caractéristique d’un style et d’une pensée, comme en bien d’autres aspects de l’œuvre du P. Teilhard, se dévoile la première Clef de celle-ci, la clef scientifique et qui est l’Organicisme.

Source: Les deux clés de Teilhard de Chardin par Thomas Thibert

Planète OCT / NOV 1961.

Amitiés: Claude Sarfati

L’homme d’après l’homme…

Avouons cependant que, dans le domaine religieux, le P. Teilhard avait quelque raison d’admettre que ses supérieurs hiérarchiques connaissaient aussi bien, sinon mieux que lui, les textes de saint Paul et qu’ils ne jugeraient pas que des théories directement inspirées par cet enseignement traditionnel par excellence seraient estimées dangereuse pour la foi chrétienne.

Pourtant ce n’est pas sans surprise que l’on constate sur ce point que les adversaires du P. Teilhard ne semblent pas avoir compris que toute la pensée religieuse qu’ils croyaient devoir censurer dépendait d’un clef, aussi précise que l’organicisme sur le plan scientifique. Cette seconde Clef de l’œuvre du P. Teilhard est la conception paulinienne de l’ OIKONOMIA « , l’  » économie « du mystère. Ne s’agit ‘il pas, en effet, dans l’essentiel des thèses teilhardiennes, « de mettre en lumière l’économie du Mystère depuis les siècles en Dieu qui a tout créé, afin que soit maintenant connue aux puissances et aux principautés dans le ciel, la multiple sagesse de Dieu, selon cette disposition qu’il a prise depuis toujours en le CHRIST-Jésus Notre Seigneur (Epître aux Ephésiens).

En effet, le mot grec  » OIKONOMIA  » signifie le plan de l’Œuvre Divin, sa « dynamique » propre et qui tient entre deux limites clairement indiquées par saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens (XV, 45): il est écrit (Genèse II, 7): « Le premier homme, Adam, devint une âme vivante ». Le dernier Adam sera un esprit vivifiant. Mais ce n’est pas le spirituel qui est premier, mais le psychique (l’animé), ensuite, le spirituel. Le premier homme est de terre, fait de poussière; le deuxième homme est  du Ciel.

Il est, certes, fondamental d’observer que, dans la Bible, l’expression: « Ame vivante » est appliquée aux animaux eux-mêmes. En d’autres termes, c’est une affirmation constante dans la tradition judéo-chrétienne que tout ce qui appartient à l’ordre BIOLOGIQUE est COMMUN à l’homme et aux autres règnes; l’animation, au sens biblique, est LA FONCTION  » SELON LA CHAIR ». Dans la mesure où le psychique est coextensif au biologique, l’un n’est que l’avers d’une médaille dont l’autre demeure le revers.

Or, le biologique étant issu du géologique, ses racines se trouvent dans la terre, dans « la poussière », terme qui doit être compris ici comme « la semence ». Entre la granitisation des continents et le lent processus de « conscientisation », au sens teilhardien, il n’y a que des différences de niveaux d’émergence mais non pas d’essence. Ce qui est « selon la chair » est nécessairement selon la Terre.

Souce: Les deux clés de Teilhard de Chardin par Thomas Thibert

Revue PLANETE  OCT / NOV 1961

Amitiès: Claude Sarfati.