Un mystique et un savant (P. Teilhard de Chardin)

La mère de ce « pèlerin de l’absolu », Berthe-Adèle de Dompierre d’Hornoy (1853-1936), d’origine picarde, était l’arrière-petite-nièce de Voltaire. Son père, Alexandre-Victor-Emmanuel Teilhard de Chardin (1844-1932), chartiste et naturaliste, avait eu l’honneur de découvrir, après de minutieuses recherches, LA SEULE LETTRE dictée par Jeanne d’Arc, et portant la signature de celle-ci, graphisme que l’on ignora jusqu’à l’époque de cette trouvaille singulière.

En avril 1892, Pierre Teilhard de Chardin, un mois avant d’avoir onze ans, entra au collège des Jésuites, à Villefranche-sur-Saône. Son professeur d’humanités devait y être, un peu plus tard, Henri Brémond. Le futur académicien remarqua l’intelligence, mais aussi l’impassibilité bizarre de ce petit Auvergnat. « Je n’ai su que longtemps après le secret de cette indifférence apparente, avoue Brémond. Il avait une autre passion, jalouse, absorbante, qui le faisait vivre loin de nous: les pierres ».

Dans l’excellent ouvrage de l’abbé Paul Grenet, « Teilhard de Chardin, un évolutionniste chrétien« , l’auteur, étudiant les contrastes si accusés de son héros, a intitulé l’un des paragraphes de ce livre, « Du Dieu Fer au Dieu Esprit« , cette comparaison de la psychologie religieuse du P. Teilhard à celle d’un primitif qui pressent que le Fer, le Quartz, la Flamme sont en parenté lointaine avec l’Esprit, va peut-être à de plus vastes profondeurs qu’à celles d’un culte enfantin.

Ce prophète, ce poète, mène de front deux combats: il entreprend la conquête des vérités intérieures et célestes non pas loin du monde mais dans le monde, au cœur même de la matière terrestre, en un contact constant avec les puissances primordiales de la Nature. Ce mystique est un géologue, un paléontologue, un savant explorateur de la terre et du temps. Onze ans de recherches en Europe. Puis, durant dix années l’Asie où il va découvrir des données fondamentales de l’histoire d’un continent. Partant de Tien-T’sin, comme base de rayonnement, il explore les Ordos, la Mongolie Orientale, la Mandchourie. Avec Licent, il découvre, dès 1923, les preuves de l’existence de l’homme paléolithique en Chine. Après ce décennat limité géographiquement à l’aire chinoise septentrionale, quinze autres années verront le P. Teilhard descendre vers les zones asiatiques méridionales. Il s’agit d’établir l’équivalence géologique et chronologique des couches à Sinanthrope de la Chine du nord avec les couches à Pithécanthrope de Java. Il faut, en quelque sorte, « faire le pont », selon l’expression du P. Teilhard, dans une de ses conférences, entre la Chine et le reste de l’Asie, entre les étapes quaternaires des diverses régions. De l’âge de cinquante-deux ans à l’âge de soixante-cinq ans, le P. Teilhard va explorer après le site de Chou-Kou-Tien, la vallée du Yang-Tsé jusqu’au Tibet, le Cachemire, la Birmanie, Java (1933-1946). Attaché au service géologique de Chine et à la fondation Rockefeller, le P. Teilhard avait entrepris, dés 1927, les premières excavations, avec une équipe de savants chinois, anglais, américains et hollandais, dans la colline de Chou-Kou-Tien. La nuit de noël 1929, dans une fissure pétrie de dépots paléontologiques, l’Homme des terres Rouges, vieux de près d’un million d’années, le Pekinensis Sinanthropus, fut enfin « saisi au gîte », c’est-à-dire dans son environnement: cendres, os calcinés, pierres taillées, « homo sapiens » déjà, car auteur de traces de feu et d’une industrie lithique. Ce chasseur savait tailler les cristaux de quartz. La paléontologie tenait enfin le premier habitant humain de la Chine. Douze ans plus tard, les précieux fossiles de Chou-Kou-Tien furent confiés à la garnison américaine qui, en raison du conflit sino-japonais, évacuait Pékin et s’embarquait à Tchingwangtao sur le « Président Harrison ». Le bateau fut arraisonné, les biens saisis, la garde américaine arrêtée. Les caisses « A » et « B » disparurent. Avec elles, le Sinanthrope dont nul n’a jamais su, depuis 1941, ce qu’il est devenu. Tout n’est pas clair en ce siècle des lumières. Si, dans un million d’années, une équipe de paléontologues-grenouilles découvre le Pekinensis Sinanthropus dans la vase, elle se posera sans doute d’insolubles problèmes.

Source: Les deux clés de Teilhard de Chardin par Thomas Thibert

Revue PLANETE OCT/NOV 1961

Amitiés: Claude Sarfati

Méditation Taoïste

Nous faisons de la vie une réalité

par les pensées que nous projetons

 Le panorama qu’offre le monde objectif n’a aucun sens tant que nous ne sommes pas en interaction avec lui. Par exemple, un rocher devant lequel nous passons jour après jour mais que nous ne voyons pas : ce rocher n’a donc aucun sens pour nous. Si nous décidons de faire de ce rocher un objet de culte et de prier devant lui pendant des décennies, alors ce rocher devient vraiment important. Pour un profane qui ne souscrit pas au sens assigné au rocher, il continuera à n’être qu’un rocher. Dans tous les cas, le rocher est seulement un rocher. Seule l’interaction humaine a créé sa signification.

C’est une erreur d’affirmer que le sens que nous donnons à une chose est aussi concret et tangible que la chose elle-même. Par exemple, notre maison peut être précieuse pour nous, mais notre sens du précieux n’a rien à voir avec la construction. Il vient des valeurs et de la mémoire que nous lui associons. Si nous perdons notre maison, nous devons nous rappeler que c’est le sentiment que nous avons pour elle qui détermine notre perte, et pas seulement la construction en elle-même.

Si la perception de la réalité est subjective, quelques écoles de pensées suggèrent que nous devrions regarder toute chose comme irréelle. En opposition à ces courants, les adeptes du Tao considèrent que nous devons continuer à être en interaction avec le monde. Si nous ne prenons pas d’initiative en travaillant sur ces phénomènes que sont la projection de sens et la réception de son écho, nous tombons dans un état de sommeil, et le monde n’aura plus pour nous aucune existence. Tant que nous restons conscients que nous attribuons un sens subjectif aux objets, nous évitons les erreurs.

LE TAO AU JOUR LE JOUR

365 méditations Taoïstes (méditation 50 : Interaction).

Deng Ming-Dao

Albin Michel

Bonne méditation, amitiés: Claude Sarfati

Chapitre XVI. Le Ming-tang

5 est le nombre central de la Terre. 6 est le nombre central du Ciel.

Il ne faut pas s’étonner de la situation centrale attribuée à l’Empire chinois par rapport au monde; il en fut toujours de même pour toute contrée où était établi le centre spirituel d’une tradition.

La contrée qui possédait un tel centre était par là même Terre Sainte, le point où se reflète directement l’activité du Ciel.

Si l’Empire chinois était une image de l’Univers, la même chose est Ming-tang, la maison de l’empereur. Certains sinologies l’ont appelée la Maison du Calendrier, mais la traduction littérale est Temple de la Lumière.

Tsing (chinois) = obscurité. Ming (chinois) = lumière.

… l’Empereur apparaissait proprement comme le «régulateur» de l’ordre cosmique même, ce qui suppose d’ailleurs l’union, en lui ou par son moyen, des influences célestes et des influences terrestres … (p. 142)

René Guénon,  »La grande triade » (extraits)

Chapitre VIII. Nombres célestes et nombres terrestres

Les nombres impairs correspondent au yang, sont masculins ou actifs, et les nombres pairs correspondent au yin, sont féminins ou passifs.

Les nombres impairs sont célestes, et les nombres pairs sont terrestres.

L’unité n’est pas considéré nombre, elle est proprement le principe même du nombre. C’est donc 2 le premier nombre par (qui appartient à la Terre) et 3 le premier nombre impair (qui appartient au Ciel).

La Terre est donc avant le Ciel, tout comme yin est avant yang.

Pour d’autre nombres se sont produits des inversions inexplicables: 5, nombre impair, est attribué à la Terre, pendant que 6, nombre pair au Ciel.

On parle à ce propos d’un échange hiérogamique entre les attributs des deux principes complémentaires.

En Chine ce n’est pas l’ordre cosmique qui a été conçu sur le modèle des institutions sociales, mais ce sont bien celles-ci qui ont été établies en correspondance avec l’ordre cosmique lui-même.

tous les complémentarismes, de quelque type qu’il soient, ont également leur principe dans la première de toutes les dualités, qui est celle de l’Essence et de la Substance universelles, ou, suivant le langage symbolique de la tradition extrême-orientale, celle du Ciel et de la Terre.(p. 77)

Pour les Pythagoriciens, 5 était le nombre nuptial, somme du premier nombre pair ou féminin (2) et du premier nombre impair ou masculin (3).

Tandis que 2 et 3 expriment la nature même de la Terre et du Ciel,

5 et 6 expriment leur mesure, ils les envisagent du point de vue de la manifestation et non plus en eux-mêmes.

Les doubles de 5 et 6 sont 10 (attribué au Ciel) et 12 (attribué à la Terre).

Dans la tradition chinoise, les jours sont comptés par périodes décimales et les mois par périodes duodécimales; or dix jours sont dix soleils, et douze mois sont douze lunes; les nombres 10 et 12 sont donc rapportés ainsi respectivement le premier au Soleil, qui est yang et masculin, correspondant au Ciel, au feu et au Sud, et le second à la Lune, qui est yin ou féminine, correspondant à la Terre, à l’eau et au Nord.

Le nombre 11, en tant qu’union de 5 et 6, est l’union centrale du Ciel et de la Terre. C’est le nombre par lequel se constitue la Voie du Ciel et de la Terre.

Cette importance du nombre 11 est le point commun aux doctrines traditionnelles les plus diverses.

René Guénon, La grande triade (extraits)

Chapitre VII. Questions d’orientation

A l’époque primordiale, l’homme était, en lui-même, parfaitement équilibré quant au complémentarisme du yin et du yang;

d’autre part, il était yin ou passif par rapport au Principe seul, et yang ou actif par rapport au Cosmos ou à l’ensemble des choses manifestées; il se tournait donc naturellement vers le Nord, qui est yin, comme vers son propre complémentaire.

Au contraire, l’homme des époques ultérieures, par suite de la dégénérescence spirituelle qui correspond à la marche descendente du cycle, est devenu yin par rapport au Cosmos; il doit donc se tourner vers le Sud, qui est yang, pour en recevoir les influences du principe complémentaire de celui qui est devenu prédominant en lui, et pour rétablir, dans la mesure du possible, l’équilibre entre le yin et le yang.“ (p. 64)

L’orientation vers le Nord est polaire, pendant que celle vers le Sud est solaire. Dans les cartes et les plans chinois, le Sud est placé en haut et le Nord en bas, l’Est à gauche et l’Ouest à droite, ce qui est conforme à la seconde orientation; cet usage n’est d’ailleurs pas assez exceptionnel qu’on pourrait croire, car il existait aussi chez les anciens Romains et subsista même pendant une partie du moyen âge occidental.

En Chine, le côté auquel on accorde la prééminence est la gauche. Mais à l’époque de Sseu-ma-tsien, au IIe siècle avant l’ère chrétienne, la droite semble l’avoir au contraire emporté sur la gauche. Le conseiller de droite (iou-siang) avait un rôle plus important que le conseiller de gauche (tso-siang).

A l’époque de Lao-tseu la gauche correspondait au yang et la droit au yin.

En hébreu la droite signifie toujours le Sud et la gauche le Nord, ce qui implique que l’orientation est prise, comme dans l’Inde, en se tournant vers l’Est.

Ce même mode d’orientation était pratiqué par les constructeurs du moyen âge pour déterminer l’orientation des églises.

René Guénon, La grande triade (extraits)