Les drogues et l’expérience intérieure

Et cela m’amène à notre conversation, dans les faubourgs de Zürich, avec le docteur et madame Albert Hofmann. Nous autres, êtres humains, nous sommes, selon le mot d’Andrew Marvell, des « amphibies rationnels », habitant simultanément un monde spirituel et un monde corporel, un monde symbolique et un monde d’expérience immédiate, un monde de notions et de généralisations abstraites et un monde d’événements uniques. Le docteur Hofmann est un chimiste éminent, dont les derniers et spectaculaires travaux concernent l’étrange frontière entre les deux mondes, là où le plus minime des changements biochimiques produit des effets énormes et révolutionnaires sur l’esprit (1).

Les éléments synthétiques du docteur Hofmann sont nouveaux; mais les problèmes éthiques, philosophiques et religieux qu’ils soulèvent sont très vieux. La bière (de même que le thé, le café, l’aspirine, les vitamines et une gamme de stimulants et de tranquillisants) « sait mieux que Milton justifier les procédés de Dieu à l’égard des hommes », c’est un fait évident, un fait que certains trouvent humiliant et triste, d’autres, consolant et plutôt drôle. Dans quelle mesure nos pensées, nos croyances, nos actions sont-elles le résultat de l’hérédité et de fluctuations biochimiques de notre organisme? Quelle est la validité d’une philosophie qui peut être changée radicalement par une piqûre d’aiguille ou une petite dose quotidienne de « Ritalin« ? Et que penser des expériences suscitées par les « modificateurs mentaux », pratiquement inoffensifs, du docteur Hofmann: expériences d’un monde transfiguré par une beauté inimaginable, riche de sens profond, plein, malgré la souffrance et la mort, d’une joie essentielle et, il n’y a pas d’autre mot, divine? Oui, que penser? Les opinions diffèrent.

Presque tous ceux qui ont fait l’expérience l’ont jugée d’une valeur évidente. Pour le docteur Zaehner, l’auteur de « Mysticisme sacré et profane », elle est immorale. A quoi le professeur Price répond: « Parlez pour vous. »

Price serait d’accord avec William James pour penser que l’introduction à des états inhabituels de conscience, si elle peut être effectuée sans danger pour soi et pour autrui, est salutaire et enrichissante. Il y a longtemps déjà que Bergson, défendant William James contre ceux qui l’avaient blâmé d’avoir expérimenté l’effet de l’oxyde nitreux, a souligné que le produit chimique n’était pas la cause des remarquables expériences métapsychiques de James, mais seulement leur occasion. Les mêmes expériences auraient pu être provoquées par des méthodes purement psychologiques, les mortifications et autres exercices utilisés par les mystiques et les visionnaires de toutes les traditions religieuses. N’importe quelle technique, en fait, est capable d’affecter les états mentaux ou de changer la biochimie, de telle façon que s’abaisse la barrière séparant le monde de nos perceptions, de cet autre monde étrange, aussi réel, qui se dévoile lorsque la conscience cesse d’être utilitaire pour s’intéresser à l’esthétique ou au spirituel.

(1) Voir Planète n° 1 « Documents sur les drogues psycho chimiques »

Quelle formidable machine que l’homme!

Article d’Aldous Huxley

Revue Planète  (1962)

Amitiés; Claude Sarfati

Il faut lancer l’attaque sur tous les fronts

 

Hélas! le remède à ce comportement insensé ne sera pas trouvé dans la seule psychologie. Le problème est excessivement complexe et il doit être attaqué, s’il l’est jamais, sur plusieurs fronts simultanés. Sur le front sémantique, car il dépend d’un langage mal employé et de croyances primitives; sur le front administratif, car il comprend le fait brutal du pouvoir et tous les problèmes de son contrôle; sur le front philosophique, car notre conduite politique est influencée par nos conceptions de la nature humaine; sur le front biologique, car il est obligé de faire face aux terribles phénomènes de l’accroissement démographique et du déséquilibre des ressources.

Une attaque coordonnée sur tous ces fronts sera difficile à lancer et encore plus à soutenir. Etant donné l’inertie individuelle et collective, pouvons-nous faire ce qui doit être fait dans le bref délai que l’histoire moderne nous accorde? Au niveau international, la fin de certaines de nos douleurs est possible. Est-elle probable? Toutes les nations, tous leurs chefs, sont appelés. Avant qu’il ne soit trop tard, choisiront-ils d’être choisis?

Aldous Huxley

Quelle formidable machine que l’homme!

Revue Planète 1962.

 

Amitiés: Claude Sarfati

Mon voyage aux frontières de la psychologie

Le fumiste n’est pas celui qui plonge dans le mystère, mais celui qui refuse d’en sortir.  (CHESTERTON)

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Il faut quelques heures pour voler de la Baltique à la Méditerranée. Mes étapes furent courtes. Mais, mesurées sur une carte du monde intellectuel, elles furent énormes. J’ai voyagé l’été dernier en Europe, de la psychanalyse moderne à l’acupuncture chinoise, de la télépathie aux drogues psycho chimiques; plus profond encore était l’abîme entre ces recherches et  « la réalité ultime » dont m’a parlé Krisnamurti, de passage en Occident. Et pourtant, ces univers incommensurables coexistent dans le faible volume du cerveau humain. En fait ou en puissance, ils sont également nos univers. Quelle formidable machine que l’homme!

La conférence de Saint-Paul-de-Vence était organisée par la fondation de parapsychologie (1), dont la présidente est l’intelligente et infatigable Mrs. Eileen Garrett. Il y avait quatre psychiatres, Italiens et Suisses, un endocrinologue parisien, un autre Français spécialiste de la médecine psychosomatique, l’éminent neurologue anglais Gray Walter (2), et un jeune parapsychologue américain, activement engagé dans la recherche et l’expérimentation. Un bon nombre de communications furent produites: sur des cas de rapport télépathique entre le médecin et le malade; sur une série d’expériences semblant prouver que les rêves d’un dormeur peuvent être affectés télépathiquement; sur un instrument nommé « pléthysmographe« , utilisé pour enregistrer les changements organiques provoqués, au niveau inconscient, par des stimulations télépathiques. Ces comptes rendus de recherches suisses et américains furent précédés d’une conférence sur les travaux réalisés en Russie voici vingt-cinq ans, mais publiés et discutés à une époque très récente.

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 (1) La parapsychologie étudie les phénomènes non admis par la psychologie officielle, tels que la clairvoyance ou la télépathie. Il existe une chaire de parapsychologie à l’université d’Utrecht. Consulter les livres d’ensemble de Robert Amadou: « La parapsychologie » (Ed, Denoël). Les travaux des congrès internationaux comme celui de St-Paul-de-Vence sont publiés en français (Ed. I.M.I., 1, place Wagram, Paris).

(2) Un des plus grands spécialistes de la physiologie du cerveau. Selon Gray Walter, l’homme n’utilise, même pour les opérations les plus complexes, qu’une partie de son cerveau. Le reste appartient aux « zones silencieuses » encore inexplorées. Quand nous saurons stimuler ces zones silencieuses, peut-être découvrirons-nous d’infinies possibilités de l’esprit. C’est ce qu’affirme Gray Walter dans « Further Outlook ». Voir aussi son grand ouvrage traduit en français: « Le cerveau vivant » (N.R.F).

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Quelle formidable machine que l’homme!

Article d’Aldous Huxley

Revue Planète  (1962)

Amitiés: Claude Sarfati

La psychologie peut-elle contribuer a la paix?

 

De France, d’Italie, de Suisse, ou plutôt du lointain univers de la perception extra-sensorielle, du très lointain univers de l’expérience visionnaire, du plus lointain univers de l’illumination libératrice, nous atterrîmes à Copenhague, plus précisément au Congrès de Psychologie Appliquée.

Qu’est-ce que la Psychologie Appliquée? Il est plus facile de demander: qu’est-ce qui n’est pas de la Psychologie Appliquée?

Réponse: a peu prés rien de ce qui concerne, du moins, le comportement individuel (statistiquement) normal. Ce vaste sujet était discuté, à Copenhague, par 1.300 délégués, qui écoutaient deux ou trois cents communications sur tous les problèmes concevables, depuis « Le dessin comme Expression de l’Estime de Soi » jusqu’à « Recherche Sociale dans l’Antarctique ».

Le monde est plein de tant de choses, les universités, pleines de tant de psychologues, que je ne peux guère rendre justice à tout ce qui fut dit et lu à Copenhague. Je me bornerai donc à la plus importante des questions, à celle, hélas! qui fut le moins expertement traitée, Est-ce que la psychologie peut contribuer à la détente internationale, à la solution des conflits, au maintien de la paix?

La conférence d’ouverture, faite par le professeur Osgood, ainsi que les textes lus le lendemain étaient pleins de suggestions intelligentes et humaines. On écoutait avec approbation, mais en même temps avec un doute obsédant. Est ce que les suggestions intelligentes et humaines seraient acceptées? Dans le climat historique et idéologique actuel, pouvaient-elles seulement être entendues? Il est évident que, comme le disait le docteur Baumgarten-Tramer, il existe une urgente nécessité d’appliquer les données de la psychologie au gouvernement des hommes. Mais est-il probable que les quelques douzaines de politiciens, de généraux, de technologues, à la merci desquels se trouvent les 2.900 millions d’humains, consentiront à aller à l’école et à apprendre la si indispensable psychologie des dirigeants? Ces quelques hommes monstrueusement puissants, maîtres des destins de l’espèce, sont eux-mêmes les prisonniers de traditions politiques et philosophiques qui, poussant sur le terrain de l’idolâtrie nationaliste et dogmatisme idéologique, ont inévitablement produit la guerre.

Le névropathe est un individu qui répond à la situation présente par des réactions obsessionnelles, orientées vers un passé maladivement persistant. Aussi longtemps que les sociétés obéissent à de vieilles notions fausses, fossilisées en dogmes, elles manifestent les symptômes d’une névrose collective, et les quelques hommes puissants entre les mains desquels l’humanité se débat sont les premières victimes de cette aliénation qui aveugle sur les réalités présentes.

Autrefois, quand le changement technologique et démographique était lent, les sociétés pouvaient s’offrir le luxe de la névrose collective. Aujourd’hui, le comportement politique dicté par l’obsession du passé, autrement dit par les vénérables traditions périmées, par les vieux concepts stupides, ou véritablement diaboliques, élevés au rang de principes imprescriptibles, est de nature tragiquement impropre à administrer le monde.

Quelle formidable machine que l’homme!

Article d’Aldous Huxley

Revue Planète 1962.

Prédire avec le Yi King

Faire des prédictions avec le Yi King, c’est essayer d’analyser de quoi est chargé le moment et faire une projection. Beaucoup de mes confrères (en France) qui pratiquent le Yi King considèrent que l’on ne devrait pas effectuer un tirage à la place d’une autre personne.

Je comprends cela, mais comme me l’ont appris les chinois, j’attache plus d’importance aux résultats qu’à la (bonne?) façon de faire. Ainsi depuis que j’interroge le Yi King sur des situations dans lesquelles je ne suis pas directement concerné, les résultats sont là.

Je ne dis pas que l’analyse de chaque situation que j’ai pu traiter à toujours été une pleine réussite ; non, je me suis trompé parfois,

-soit en ayant pas le bon état d’esprit au moment de la consultation du Yi King.

-soit en faisant une mauvaise analyse des tirages (hexagrammes).

Plus mon degré d’intérêt pour la situation sur laquelle j’interroge le Yi King est fort, plus l’indice de succès est grand.

Si nous prenons le cas des deux prises d’otage sur lesquelles je me suis autorisé des prédictions : Florence Aubenas et Ingrid Betancourt, humblement, le résultat est là, il me semble. Le sort de ces deux femmes était une vraie préoccupation pour moi.

Politique et Yi King ont toujours fais bon ménage, peut-être parce-que le vieux livre à toujours eu un lien très étroit avec celle-ci, au moins depuis Confucius.

Le résultat était là aussi pour les présidentielles.

Je me suis trompé sur le pape, je n’avais sincèrement pas interrogé le Yi King sur le cardinal Ratzinger, parce-que je croyais qu’après Jean-Paul II, seul un réformateur pourrait représenter l’église, le cardinal Dionigio Tettamanzi était le mieux placé.

Concernant, les municipales, mon erreur à été d’interroger le Yi King une dizaine de fois le même soir… C’est du grand n’importe quoi, mea culpa.

Celui qui se jette à l’eau risque de se mouiller et même de se noyer, seul celui qui reste sur la rive ne prend pas ces risques et trop de prudence m’ennuie…

A bientôt.