« QUE RESTE-T-IL DES HUICHOLS ? » (4)

La vie des Huichols est désormais menacée par la mondialisation économique et leur acculturation possible

. Depuis 2009 le gouvernement mexicain a accordé 6000hectares aux entreprises minières canadiennes pour exploiter des mines d’argent. C’est une menace directe sur les ressources naturelles (nappes phréatiques) et culturelles ,le site de Wirituka n’étant qu’à quelques kilomètres. Surtout les indiens, comme les inuit ou les aborigènes australiens entretiennent une relation sacrée avec la terre et les éléments naturels. L’exploitation minière serait donc pour eux un sacrilège et une atteinte à leur identité spirituelle.

 

Dans Le Point du 20/01/2012, JMG  LE CLEZIO Prix Nobel de littérature, (dont il faut lire le Rêve Mexicain) a lancé l’appel suivant à la communauté internationale :

« L’Histoire bégaie, on le sait. Parfois, il y a tellement d’insupportable dans ce bégaiement qu’on ne peut l’accepter. Le génocide amérindien fut organisé pour une grande part à cause de la convoitise des conquérants pour l’or et l’argent, chose tellement incompréhensible pour les habitants du Nouveau Monde que certains (les Purepecha du Michoacan) se posèrent même la question : « Assurément, ces hommes doivent se nourrir de ces métaux pour les désirer à tel point. » Pour eux, ces métaux étaient « l’excrément du Soleil et de la Lune » et ne servaient qu’aux objets de culte.

Depuis 2009, la compagnie minière canadienne First Majestic Silver, spécialisée dans la prospection des métaux précieux, a pu racheter 22 concessions à l’ouest de l’Etat de San Luis Potosi, dans le nord du Mexique, dans une montagne nommée Cerro Quemado, près de la station de chemin de fer Real de Catorce. Cette montagne est depuis toujours le lieu mythique pour les Indiens Wixaritari – plus connus du grand public sous le nom de Huichols – où ils s’approvisionnent en peyotl pour leurs cérémonies de divination thérapeutique et leurs rituels liés au culte du Soleil.

 L’Histoire ici bégaie outrageusement : au XVIIIe siècle, les Huichols furent au centre d’une révolte contre le pouvoir colonial espagnol, car leur territoire était envahi par les prospecteurs – comme dans le cas de la ruée vers l’ouest, des aventuriers et des hommes de main de toutes origines, attirés par la perspective de riches filons. A la fin du XIXe siècle, un métis du nom de Manuel Lozada organisa une autre révolte pour défendre l’autonomie des peuples habitant l’Etat du Nayarit – Coras et Huichols -, et sa défaite sonna le glas de la relative liberté que les Indiens avaient acquise sur leur territoire. Fragilisée par les divisions, la population autochtone figure aujourd’hui parmi les ultimes résistants de l’indianité dans un monde de plus en plus conformiste et matérialiste.

Le projet de la First Majestic Silver n’arrive pas par hasard. La crise économique mondiale a donné un regain de popularité à la valeur refuge que constituent les métaux précieux. Mais la prospection et l’exploitation des anciens filons ne peuvent se faire actuellement que dans des conditions d’extrême agressivité : recherche en profondeur, éventration à la dynamite, utilisation de polluants (mercure et cyanure), rejets de boue contaminée qui mettent en danger la nappe aquifère. Partout dans le monde de tels projets sont combattus par les associations de protection de l’environnement – comme cela fut le cas récemment en France avec le projet minier de Salsigne (Aude), stoppé par les militants.

Cause juste. Que restera-t-il de la montagne sacrée des Huichols après de tels outrages ? Même si éventuellement le filon est abandonné faute de rentabilité (ou parce que le cours des métaux sera retombé), le mal sera irrémédiable. La montagne où les Indiens se rendaient chaque année au bout d’une longue marche pleine de souffrance et de mysticisme sera devenue un lieu dévasté, fracturé, violenté.

Certes, l’on peut regarder tout cela comme l’énième épisode de la défaite du monde amérindien traditionnel et penser que, après le génocide perpétré au XVIe siècle par les conquérants, ce drame est le dernier souffle qui éparpille dans l’oubli des peuples déjà devenus fantômes. Ce doit être, j’imagine, la réponse des ingénieurs et des dirigeants de la First Majestic Silver. Il y a quelques décennies, les compagnies qui éventrèrent le territoire des Indiens Navajos, au sud des Etats-Unis, ironisaient sur cette manie qu’ont les Indiens de considérer que le monde entier serait « terre sacrée ».

Mais la question n’est pas, qu’on y réfléchisse, seulement celle des Huichols et du Cerro Quemado. Il ne s’agit pas d’affirmer un privilège exotique en vue de maintenir une poignée d’hommes dans leur droit, contre l’abus d’une compagnie minière nord-américaine – même si, de toute évidence, la beauté, la pensée et la justice sont de leur côté. La question est de mettre un frein, chaque fois que cela est possible, à la rapacité des puissants exercée contre ce qu’il y a de précieux et d’unique – l’héritage, le respect, l’équilibre du monde -, mieux que des symboles, la substance vivante de notre commune humanité. Nous devons tous soutenir la juste cause des Huichols et demander au gouvernement mexicain d’annuler l’autorisation d’exploiter le Cerro Quemado accordée hâtivement à la First Majestic Silver. »

QUELQUES LIENS:

http://arutam.free.fr/Huichol.html.

http://aufildm.free.fr/index.html.

http://www.lebatondeparole.com/pages/general/histoire/les-huichols-d-amerique-du-sud.html

http://huichols.fr/

Source: REGARD ELOIGNE

Amitiés

Claude Sarfati

« QUE RESTE-T-IL DES HUICHOLS ? » (3)

« Pour moi le seul lieu du monde où dorment les forces naturelles qui peuvent être utiles aux vivants Je crois à la réalité magique de ces forces, comme on peut croire au pouvoir curatif et salutaire de certaines eaux thermales. Je crois que les rites indiens sont les manifestations directes de ces forces. Je ne veux les étudier ni en tant qu’archéologue ni en tant qu’artiste, mais comme un sage, au vrai sens du mot; et j’essaierai de me laisser pénétrer en toute conscience de leurs vertus curatives, pour le bien de mon âme. »Antonin Artaud Lettre Au Gouverneur Du Mexique 1936.

« Après des fatigues si cruelles, je le répète, qu’il ne m’est plus possible de croire que je n’aie pas été réellement ensorcelé, que ces barrières de désagrégation et de cataclysmes, que j’avais senti monter en moi, n’aient pas été le résultat d’une préméditation intelligente et concertée, j’avais atteint l’un des derniers points du monde où la danse de guérison par le Peyotl existe encore, celui, en tout cas, où elle a été inventée. »A.ARTAUD

« La danse du Peyotl est avant tout, pour Artaud, un moyen de ne plus être « Blanc » : c’est-à-dire « celui qu’ont abandonné les esprits ». Le rite du peyotl est l’expression même de la « Race Rouge », de la plus antique possession par les dieux. Mais pour Artaud, c’est aussi la révélation d’une poésie à l’état pur ; d’une création en dehors du langage : création des gestes et des rythmes de la danse ; création pure, pareille, dit-il, à une « ébullition ». Artaud pense alors trouver un art pur, dégagé de toutes les conventions sociales ; un théâtre à l’état originel. C’est ce qu’on sent notamment dans l’étrange texte-poème qu’Artaud a intitulé Tutuguri, d’après le nom de la danse de la chouette. Il s’agit d’un rêve sur la danse des Tarahumaras, hanté par l’image des croix de bois que les six hommes purs tiennent embrassées, comme pour les épouser. Image du feu initial qui sort du cercle des croix, pendant que le soleil a pris rang. « II a pris forme au milieu du système céleste. Il s’est placé tout d’un coup comme au centre d’un formidable éclatement. » Le battement des tambours et le bruit des sipirakas rythment le pas des hommes et le danseur, le corps taillé d’une balafre de sang, entre en extase ».JMG LE CLEZIO ANTONIN ARTAUD OU LE REVE MEXICAIN.

Le romancier IVAN ALECHINE a consacré un roman aux Huichols loin de toute nostalgie exotique : Pour le narrateur, Iman, poésie et environnement sont liés : si la terre se meurt, l’inspiration meurt aussi. Or, la terre se couvre de parkings, de routes, de béton. Il va donc chercher chez les Huichols, au cœur du Mexique, le renouvellement de ses sources. Ayant lu les livres de Carlos Castaneda, il se lance à la recherche de Don Juan Matus, « l’Indien solitaire ». Mais la réalité qu’il découvre est tout autre : les Indiens sont de pauvres gens que l’on pille, des barrages inondent leur terre, la déforestation avance et leur pensée, comme celle du héros, est menacée. C’est sans doute parce qu’il a perdu ses propres repères qu’Iman se sent si proche d’eux. Devant le désastre, la volonté de lutter s’affirme pourtant :

« Que reste-t-il des Huichols, ces indiens cousins des Aztèques ? Iman part au Mexique muni de quelques repères, d’idées générales à la recherche de  » la magie indienne, des pouvoirs paranormaux, d’illuminations exceptionnelles « . Iman part en fait sur les traces de Don Juan Matus, l’Indien solitaire de Carlos Castaneda. Sa quête d’une poésie indienne va se heurter aux murailles de la modernité. Un premier voyage le laisse bredouille. Bourré de peyotl, il viole le mont Leonax que les Huichols gravissaient pour rendre hommage au soleil levant. Et il redescend, hagard dans Real,  » Jérusalem blanche au milieu du chaos des montagnes « , une ville à l’abandon depuis la fermeture des mines d’argent. Les Huichol se dérobent, Iman persiste, à la recherche de sources sauvages d’inspiration. Castaneda le hante jusqu’à sa rencontre avec Randall, l’ex-beat américain qui lui sert de guide. Randall se méfie de ce touriste poète –  » No Art !  » – qu’il dépucelle illico sur ces Huichols sauvages : les enfants meurent sans être vaccinés, les propriétaires volent les terres, l’État construit routes et barrages qui strient le territoire des Huichols. Des poètes ? Mais les Huichols n’en ont pas besoin ! Eux-mêmes ne sont pas poètes.  » Ils sont tout sauf poètes ! Ils mènent une existence harassante, enchaînés à leur terre, et connaissent des difficultés insensées pour survivre. Il n’est pas drôle d’être un Huichol, un Huichol pour la vie, une sorte d’étranger dans son propre pays !  » Randall pourtant emmène Iman au pays des Huichols, un territoire de trois cents kilomètres jusqu’à la côte Pacifique. Ils participeront au pèlerinage du Voyage des morts. Iman découvre un peu de la vie des Huichol, fondée sur le mouvement comme leur religion l’est sur la nature :  » Une montagne, une source, une rivière, une forêt, un amas de granit ou une grotte sont des dieux. Ainsi, quand on détruit un endroit à la dynamite, c’est une divinité qu’on élimine de la surface de la terre.  » Et la route, c’est le début de la fin des Huichols. Cinq cents ans après Cortés, la guerre continue par les mots, par la rhétorique afin de faire croire à la modernité et de  » figer tout ce qui bouge, bétonner l’eau, pétrifier le vent, solidifier tout ce qui est volatil, construire des autoroutes, telle est l’idéologie espagnole : une bonne nature est une nature morte « . Et si le peuple Huichol a pu survivre, c’est uniquement dû à sa faculté de rompre et de s’échapper :  » Peu fiables, lâches, ils ont gardé leur autonomie…  » Le voyage ne sera pas vain, et Iman puisera une poésie de la vie derrière les cuirasses de la survie. Et comble du touriste, il promet de revenir aider Randall pour un reportage photographique. Il devient cette fois poète témoin ».

Les Voleurs de pauvres, Ivan Alechine, Éditions de la Différence,

Source: REGARD ELOIGNE

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Claude Sarfati

« QUE RESTE-T-IL DES HUICHOLS ? » (2)

Aujourd’hui, les Huichols continuent pourtant de défendre leur territoire. Ils livrent bataille contre l’invasion des métisses ou d’autres indigènes de la Sierra, qui exercent une constante pression pour profiter des ressources de leurs terres. De plus, les différentes communautés huicholes sont en proie des querelles agraires dont la source remonte aux siècles précédents. Ils sont cependant connus pour avoir conservé leur culture, loin de l’influence catholique. Grâce à la poursuite de rites millénaires, ils tentent de conserver leur foi chamanique, un gouvernement théocratique et une agriculture d’autosubsistance aujourd’hui menacée.

Leur organisation géographique et politique reste, jusqu’à aujourd’hui originale. Elle est divisée en cinq grandes communautés. Chacune est autonome avec ses propres autorités civiles — le totohuani est un gouverneur nommé chaque année — et religieuses — les maraakates, ou maraakames sont des prêtres ou des chanteurs(en fait des chamanes) chargés de maintenir les traditions. Le Huichol traditionnel ne s’intéresse pas à l’accumulation des biens, mais reste en quête d’un contact direct avec le monde pour lui pénétré de surnaturel.

La vie se compose des esprits, de la nature et des hommes en un tout soudé et interdépendant. La religion étant intimement liée à la vie elle-même, dans de nombreuses cultures indiennes il n’existe aucun terme pour la désigner. Les forces qu’incarnent leurs divinités sont les forces mêmes de l’existence : forces du feu, de l’eau, des nuages, du vent, des arbres, des astres, qui représentent, sous des formes diverses, une même force naturelle. Les mots de polythéisme et de monothéisme n’ont donc pas de sens pour les cultures amérindiennes.

La terre est le plus souvent considérée, non pas comme la création d’une divinité, mais comme la divinité elle -même, et cette sacralisation donne un sens cosmique à leur enracinement territorial.. Le monde, pour les anciens mexicains, porte en lui, la force créatrice des dieux. Les indiens, à la différence des occidentaux recherchent plutôt le dessein de l’Univers, et considèrent donc les rites et la magie comme supérieurs aux sciences et aux arts.

« II reste aujourd’hui peu de chose du rituel chamanique pratiqué dans l’ancien Mexique. Le nahualli des Aztèques, le hmen des Mayas, le sikuame des Purepecha ont survécu à l’effondrement des concepts religieux indiens, peut-être parce que leur rôle caché les préservait. Sorcier, médecin, astrologue, le chamane est le symbole du contact direct de l’homme avec l’au-delà. Il est le devin, celui qui guérit ou qui ensorcelle, celui qui complote et qui révèle les pouvoirs surnaturels. Au chamanisme est liée la connaissance des plantes, et particulièrement des poisons et des hallucinogènes : peyotl, datura, champignons, et aussi yauhtli (l’encens) tabac, alcool…. »

« Mais plutôt que cette magie noire, c’est un système de pensée particulier qui inspire le chamanisme. Même les grandes civilisations théocratiques du Mexique, au temps qui précède la Conquête espagnole, sont sous l’influence du chamanisme. Les rites sanglants, les offrandes, l’usage du tabac et des hallucinogènes témoignent de l’importance des pratiques chamaniques. Avant toute divination, ou avant les cérémonies de curation, rapporte Pedro Ponce de Léon, le médecin faisait « un discours et une supplique au feu, puis versait un peu de pulque ‘ » selon un rituel qui est encore pratiqué aujourd’hui dans les cultures indiennes.

Dans les mythes survivent également les thèmes chamaniques. Dans le traité de Jacobo de la Sema, le mythe d’émergence aztèque est associé aux formules de curation, où l’utérus féminin est désigné sous le nom symbolique des « sept grottes ». Le combat de Tezcatlipoca-Titlacauan contre le héros Quetzalcoatl est l’expression mythique de la rivalité chamanique, comme l’est peut-être la fête du dieu Huitzilopochtli, où s’affrontaient des partialités dans un simulacre de combat qui se terminait par le sacrifice. La fête dédiée au dieu chichimèque Mix-coatl était l’occasion de sacrifices propitiatoires qui rappellent les rituels chamaniques, où les captifs, pieds et mains liés, jouaient le rôle des cerfs tués à la chasse…… »

« Chez les anciens Mexicains, comme chez les Purepecha, le chamane, et le nécromancien semblent avoir joué un rôle ambigu : à la fois redoutés et hais, ils sont souvent dénoncés et mis à mort (comme ils le seront plus tard par le tribunal de l’Inquisition). Pourtant, c’est l’esprit chamanique qui est resté vivace dans la pensée indienne. Le chamanisme exprime l’individualité de la foi religieuse, et surtout, cette nécessaire complémentarité des forces du bien et du mal qui est le fond des croyances amérindiennes. De plus, le chamanisme était l’adéquation de la ferveur religieuse aux structures sociales, correspondant aux divisions en fractions et en partialités. C’est pourquoi, malgré l’abolition du clergé et de l’autorité politique indigène, malgré l’interdit des cérémonies et la destruction des temples, les anciens rituels de curation chamanique purent survivre, et même, dans certains cas, s’adapter aux nouvelles lois et aux nouvelles croyances. Dans la plupart des sociétés indigènes du Mexique, le nahualisme, la divination et les rites hallucinatoires se sont maintenus, non comme des archaïsmes, mais parce qu’ils exprimaient la continuité du mode de pensée indigène, symbolique et incantatoire, une autre façon de percevoir le réel. C’est dans le nord et le nord-ouest du Mexique que le chamanisme s’est le mieux préservé, sans doute parce que les sociétés semi-nomades n’avaient pas développé une structure étatique ni un véritable clergé. Ces sociétés, fondées sur la famille, sur le clan, ou sur la tribu, valorisaient avant tout la liberté cultuelle, et les pratiques divinatoires. Dans ces sociétés, le chamane est presque toujours associé aux chefs de guerre, et c’est lui que les missionnaires chrétiens combattront sous le nom de hechicero (jeteur de sorts). »JMG.LE CLEZIO. le Rêve Mexicain

Le chamanisme, omniprésent, assure la transmission de la mythologie et des rites. WIRIKUTA « là ou est né le soleil »demeure le lieu sacré, centre de pèlerinages où se commémore le culte du Peyotl. Ce cactus hallucinogène est l’ingrédient d’une danse fameuse depuis sa description par Antonin Artaud. Chaque année, au mois de janvier, et ce depuis quelques trois mille ans, un long pèlerinage(La Chasse Au Cerf ») mène les Huichols sur les Hauts Plateaux de la Sierra Madre pour y récolter le peyotl. Cette cueillette exige une abstinence ascétique et un jeûne total de cinq jours, la seule nourriture autorisée étant le peyotl cueilli l’année précédente. Effectuée selon des rites précis, elle se termine par une fête sacrée, la fête du peyotl dieu.

Source: REGARD ELOIGNE

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Claude Sarfati

« QUE RESTE-T-IL DES HUICHOLS ? »

« Le Mexique est une terre de rêves. Je veux dire, une terre faite d’une vérité différente, d’une réalité différente. Pays de lumière extrême, pays de violence, où les passions essentielles sont plus visibles et où la marque de l’antique histoire de l’homme est plus sensible ; tout comme dans certains pays fabuleux, la Perse, l’Egypte, la Chine. Pourquoi ce rêve? Qu’est-ce qui fait du Mexique un des lieux privilégiés du mystère, de la légende, un lieu où le moment même de la création paraît encore proche alors que déjà s’annonce, inexplicablement, l’autre moment suprême, celui de la destruction du monde ?

Est-ce la nature même du pays, terre de volcans, de déserts, de hauts plateaux si proches du ciel et du soleil, terre de jungles exubérantes, de plaines arides, de précipices, de canyons et de vallées profondes? La virginité de la nature dans ce Nouveau Monde – par opposition à l’antiquité des terres d’Europe, formées par l’homme, soumises à son usage jusqu’à la stérilité parfois – voilà sans doute le principe même de ce rêve : pendant la période romantique, dans l’œuvre de Chateaubriand notamment, cette nature vierge est le thème central du rêve : dans le Nouveau Monde où l’homme est en harmonie avec la nature, tout est possible; tout semble plus beau, plus vrai.

L’homme aussi a donné naissance à un rêve; l’homme des sociétés indigènes des hautes terres. Un rêve où le sauvage nomade, le héros des romans de Fenimore Cooper ou de Chateaubriand, est opposé à l’Aztèque et à l’Inca, serviteurs de leurs dieux solaires, constructeurs de prodigieux monuments, héros légendaires des peuples sacrifiés par l’Espagnol à sa fièvre de l’or puis abandonnés à l’esclavage et au désespoir. Image romantique aussi, qui a fasciné des générations de lecteurs de romans et de récits de voyages au siècle dernier.

JMG. LE CLEZIO LE REVE MEXICAIN .FOLIO.

Dans la SIERRA MADRE occidentale du Mexique, une ethnie indienne d’environ 44000 personnes lutte pour préserver ses terres et sa culture : LES HUICHOLS

Les indiens Huichols, l’une des 57 ethnies indigènes actuelles du Mexique, se nomment eux-mêmes Wirrárika

(Wirraritari au pluriel) ce qui signifie « devins », « guérisseurs » ou « initiés », ils vivent dans un territoire de 4000 hectares, au croisement de plusieurs régions mexicaines.

Ils se répartissent principalement entre les Etats de Jalisco et de Nayarit, avec des groupes minoritaires dans les états de Zacatecas et de Durango. Les espagnols n’ont pénétré et ne les ont rencontrés dans la Sierra Madre que vers 1772 et leur origine reste confuse. Pour les uns, ils viendraient de la côte pacifique, au même titre que les Aztèques, les Tépehuanes, les Coras, et les Tarahumaras, confirmant ainsi leur appartenance au groupe Uto-Aztèque. Pour les autres, ils seraient originaires des plateaux semi-désertique de San Louis de Potosi. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu combinaison de plusieurs cultures : précolombiennes, celles des civilisations de la côte, et celles des tribus Chichimèques venant du Nord.

Protégés par l’accès difficile de la sierra Ils y ont maintenu une vie indépendante des grands empires puis des Espagnols jusqu’au XVIIIème siècle.

Le peuple Huichol ne semblait pas préoccupé par l’évolution technique du monde actuel. Il utilise d’ailleurs encore la houe en bois, traditionnelle, pour cultiver ses parcelles de maïs, et garde toujours ses animaux ancestraux : les chiens et les abeilles. Depuis le XXe siècle, les Huichols ont néanmoins subi la pression de la société occidentale qui a apporté ses routes, écoles, centre de soins ; des maisons en parpain remplacent progressivement les maisonnettes d’une pièce (ranchos) construites en pierre, boue et paille et regroupées autour d’une cour. La culture matérielle du reste du pays a ainsi peu à peu modifié la vie traditionnelle. Par exemple, les animaux qu’ils élèvent sont tous d’origine coloniale, de même que des ingrédients, comme le café, le sucre. l’électricité a parfois fait son apparition dans des villages s’y ajoutent aussi les outils mécaniques, les ustensiles de cuisine, les arbres fruitiers, l’argent mais aussi les ravages de l’alcool. (Piège traditionnel des indiens parce que porteur de visions.)

Source: REGARD ELOIGNE

Amitiés: Claude Sarfati