L’amour pourrait changer le monde (Nicolas Peyrac)

Quand vous dansiez en ce temps-là,
Pas besoin de pédale wahwah.
C’était pas la bossa nova
Mais ça remuait bien déjà.
Les caves étaient profondes
Et la ronde
Ne s’arrêtait pas.
Un vieux piano bastringue
Et les dingues
Tournoyaient déjà.

Et Juliette avait encore son nez.
Aragon n’était pas un minet.
Sartre était déjà bien engagé.
Au Café de Flore, y avait déjà des folles
Et mon père venait de débarquer.
Il hantait déjà les boutiquiers.
Dans sa chambre, on troquait du café.
Il ignorait qu’un jour, j’en parlerais.
Quand vous flirtiez en ce temps-là,
Vous vous touchiez du bout des doigts.
La pilule n’existait pas.
Fallait pas jouer à ces jeux-là.
Vous vous disiez « je t’aime »,
Parfois même
Vous faisiez l’amour.
Aujourd’hui, deux salades,
Trois tirades
Et c’est l’affaire qui court.

L’oncle Adolf s’était déjà flingué.
Son Eva l’avait accompagné,
Des fois qu’il aurait voulu draguer:
Qui sait si, là-haut, il n’y a pas des folles


Et mon père allait bientôt planter
Cette graine qui allait lui donner
Ce débile qui essaie de chanter.
Il ignorait que viendraient mes cadets.

Quand vous chantiez en ce temps-là,
L’argent ne faisait pas la loi.
Les hit-parades n’existaient pas,
Du moins, ils n’étaient pas de poids.
Tu mettais des semaines
Et des semaines,
Parfois des années.
Si t’avais pas de tripes,
Ta boutique, tu pouvais la fermer

Et Trenet avait mis des années,
Brassens commençait à emballer
Et Bécaud astiquait son clavier.
Monsieur Brel ne parlait pas encore des folles
Et mon père venait de débarquer
Là ou restait quelque humanité,
Là où les gens savaient encore parler
De l’avenir… même s’ils sont fatigués.

Et Juliette avait encore son nez.
Aragon n’était pas un minet.
Sartre était déjà bien engagé.
Au Café de Flore, y avait déjà des folles
Et mon père venait de débarquer
Là ou restait quelque humanité,
Là où les gens savaient encore parler
De l’avenir… même s’ils sont fatigués.

Chanson: Et mon père (Paroles et musique) extraite de l’album: Quand pleure la petite fille par Nicolas peyrac

 

Quand l’album de Nicolas Peyrac est sorti en 1976, je rentrais dans mes quinze ans. J’ai écouté ce disque en boucle des milliers de fois et je rêvais de partir, de quitter mon confort familial…

Depuis, je suis parti, longtemps puis revenu puis reparti encore…

Jusqu’à comprendre que le vrai voyage était intérieur.

Depuis quelques temps, avec Nicolas Peyrac, nous discutons de temps en temps, c’est un artiste proche des gens…

Il sort d’ailleurs un album que je vous conseille chaudement : Suffit que tu oses. (En précommande à la FNAC)

Voici le lien de son site : Nicolas Peyrac

 

 

Amitiès,

Claude Sarfati

 

 

Patrice Chéreau, l’Homme blessé

Tout le cinéma de Patrice Chéreau est issu du théâtre. Et de son alliée la plus sure : la fatalité. Tout est très clair – enfin non, très sombre – dès son adaptation de la chair de l’orchidée (1975), d’après James Hadley Chase : dans ce polar, dont il fait une tragédie, une riche héritière, à moitié folle, s’évade d’un asile psychiatrique. Elle est poursuivie par des démons qui la cernent, mais qu’elle finit par vaincre. Ses ennemis entretués, l’héritière (Charlotte Rampling) règne, démente, sur un empire financier qu’elle contrôle, mais sans repères, ni morale. Elle annonce un monde à feu et à sang qui est devenu le nôtre…

C’est un univers en ruines qu’il filme, vingt ans plus tard, dans La Reine Margot, d’après Alexandre Dumas. Ah, les amours d’Isabelle Adjani et de Vincent Pérez, il s’en fiche totalement. Non : ce qui l’intéresse, c’est la folie d’une femme : Catherine de Médicis ( Virna Lisi, géniale, filmée comme un vampire à la Murnau) sacrifie tous ses fils au nom d’un pouvoir que certains, par euphémisme, nomment raison d’Etat. Là encore, on ne saurait être plus moderne…

Chéreau aimait les corps. Il en a filmé certains qui se frôlaient et, soudain, l’un s’emparait de l’autre : c’était dans L’Homme blessé (1983). Mais, dans les toilettes de la gare du Nord, même les amours homosexuelles devenaient un simulacre comme les autres… D’autres corps se caressaient et, parfois, l’un pénétrait l’autre, dans Intimité (2001). Ou alors, les corps s’écoutaient, et l’un aidait l’autre à mourir, dans Son frère(2002)….

En tout cas, il n’aimait pas que le théâtre, le cinéma, tout ce qui faisait que sa vie « soit fluide ». Il voulait ses personnages pantelants, énervants et brûlants. Dans Persécution, par exemple, son dernier film, en 2009, il saisissait un drôle de type éructant, pénible (Romain Duris). Et un drôle de monde où on pouvait se gifler, dans le métro, pour un sourire mal compris, mais où un amoureux ridicule, fou d’amour pour un type qui ne l’aimait pas, ne cessait de le poursuivre : « Tu m’aimes, lui disait-il. Un jour, tu m’aimeras. C’est pas possible, autrement ».

Source: Télérama.Fr

Liens pour se procurer les DVD autour de Patrice Chéreau.

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Le 9 octobre 2013, cela fait 35 ans que Jacques Brel  à succombé au cancer du poumon qui lui prenait son souffle.

J’avais prévu un hommage en forme de billet…

Cependant, dans la nuit du 7 octobre la nouvelle est tombée, Patrice Chéreau, ce génial touche à tout artistique meurt aussi d’un cancer du poumon.

J’aimais Brel et Chéreau pour la même fragilité qui les habitait.

Pour leur vérité, leur Elégance…

Amitiés

Claude Sarfati

Léo Ferré, la mémoire des étoiles

20 ans qu’il a décanillé, le Léo ! 20 ans et pas une ride à son œuvre ! Mais… qui le sait ?

Radios et télés continuent, plus ou moins régulièrement, de diffuser les trois quatre chansons (Avec le temps, C’est Extra, Paris-Canaille, Jolie Môme)  extraites d’un répertoire fantastiquement  riche… pour ne pas dire luxuriant.

Quatre chansons et puis c’est marre !  Et pour beaucoup,  disons-le, c’est  déjà même bien assez. L’ affaire est entendue : « Ferré, c’est triste », « Il prend la tête », on ne supporte pas « son côté prédicateur », « gueulard »,  sans parler de  « ses grimaces », ses emportements « anarcho-bourgeois » .. Arrêtons là. Le clavier renâcle à taper ces niaiseries.

Stop.

Mais on peut se poser une question. Pourquoi  sempiternellement ces mêmes titres ? Est-ce la prudence ?  Une paresse intellectuelle ? Une censure ? Alors que pointe le vingtième anniversaire de sa disparition, oser évoquer l’œuvre de Ferré en ne citant que ces titres-là,  par ailleurs magnifiques, c’est prétendre parler de vin en ne citant que les Bourgognes. Une bêtise. Alors, bonne nouvelle : TOUTE l’œuvre de Ferré est à (re) découvrir !  Un  vrai continent ! Plus efficace que bien des hallucinogènes, il  faut s’étourdir avec « Les Ascenseurs-camarades« , « Il n’y a plus rien« , « La Vendetta« , « Ta source« , « Ton style« , « L’homme« , « Métamec » ! Le roman « Benoît-Misère » offre des clefs de compréhension formidable pour imaginer comment était l’enfant-Ferré. Relire « Le testament-phonographe« , c’est prendre un billet pour l’ailleurs ! Bon. Mais qui veut foutre le camp ?

Et déjà les spécialistes de la virgule, les notaires du soupir et les médecins légistes de l’anecdote déboulent.  Ils affirment, ces braves gens, que  la vie artistique du grand bonhomme peut se découper  en 3 morceaux, façon gateau : les années-Odéon, les années-Barclay, les années-Toscanes. Et de préciser d’un air entendu que seules les années Barclay méritent un coup de projecteur. Autre bêtise. Quel instrument de mesure permet de comparer « Le bateau espagnol » avec « La mémoire et la mer » ou « Les amants tristes » ?  Quel rapport entre « La violence et l’ennui » et « Monsieur tout blanc » ? Comment estimer la valeur d’une chanson ? Au grain de la voix ? Au nombre de vers ? A la qualité des enregistrements ? A son minutage ? A l’époque ?

En occultant ainsi un pan immense de cette œuvre, les diffuseurs entretiennent un malentendu désolant, qui relègue Ferré au rang d’un simple chanteur à succès, quand il s’agit d’un artiste multiple, à la fois musicien, poète, chanteur et  écrivain.

Et ce malentendu n’est pas sans conséquence. Parce que malgré tout, avec les années, Léo est devenu une référence. Beaucoup d’artistes  revendiquent aujourd’hui  son influence artistique. A noter que personne ne la remarque, cette influence !  Sinon, simplement,  elle s’entendrait. Mais on a beau chercher, fouiller, rien, nibs, que dalle !  Hors internet, les ondes et les lucarnes continuent d’être encombrées de chanteurs inconsolables, au verbe mou, à la musique  polie. Mais il y a un anniversaire !  Pensez donc, « Léo : 20 ans déjà ! »,  formidable ! Des oreilles hospitalières,  un public captif,  profitons-en !  Aucun risque. L’intéressé n’est plus là  pour gueuler  contre ces sincérités intermittentes, ces anecdotes invérifiables et toute cette farandole de conneries à prétention littéraire ! Demain, il sera toujours temps d’orienter ces regrets vers une autre viande froide, un autre anniversaire. Pas de jour férié pour les opportunistes !  

Oui, aujourd’hui encore,  vingt ans après sa mort, Léo Ferré est un mal-entendu.

Rien de grave cependant. Parce que ceux qui l’aiment continuent de l’écouter.

Quant aux autres, eh bien,  ils passent à côté d’un truc fantastique.. Ils frôlent une galaxie.

Tant pis pour eux.

 Frantz Vaillant

Journaliste et réalisateur, auteur du documentaire « Léo Ferré, la mémoire des étoiles »

Source: Mediapart

Cliquez ICI pour voir les videos.

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Le 14 juillet 1993,

La mort de Léo Ferré faisait la une du Monde Libertaire.

Mourir un 14 juillet pour une graine d’ananar,

C’est une belle façon de tirer son chapeau.

Voilà plus de 20 ans qu’il ne dérange plus personne.

Léo, je t’aimais bien, tu sais…

Cet été aura une autre gueule!

Liens:

Site officiel de Léo Ferré

Léo Ferré.net

Pays-Âges de Léo Ferré

Passage Léo Ferré

Forum Léo Ferré

Facebook Léo Ferré

Pas vrai Bashung?

Amitiés

Claude Sarfati

 

 

Tout ce manque de tendres (Jacques Brel)

Jacques Brel est mort le 9 octobre 1978.

Voilà plus de trente ans, il ne voulait déjà plus depuis longtemps participer à la grande farce humaine.

Il aimait pourtant les hommes plus que Dieu lui-même.

Il les aimait pour leurs imperfections, leurs maladresses.

Aujourd’hui, même l’ile des Marquises n’est plus assez éloignée pour échapper à la bêtise.

Les singes de nos quartiers pratiquent le cynisme avec une fierté affichée.

La douleur est à ceux qui l’ont méritée,

les coupables sont les pauvres, les exclus, les pas beaux.

La superbe s’étale et suinte partout dans les médias et les conversations.

La stigmatisation est monnaie courante

un sans emploi est un assisté,

un retraité (un vieux) un exclu,

un handicapé une charge insoutenable, etc.

Jacques a choisi de rester aux marquises,

ici tous ses amis cachent des larmes dans leurs mains.

sur la planète des grands singes,

l’ère de la bêtise est glorifiée.

Le sacrifice humain est devenu parfaitement légal,

c’est la plus grande industrie de ce temps égoïste,

corrompu, avide, méprisant.

Quand on n’a que l’amour pour unique promesse…

Aujourd’hui on appelle cette race d’êtres humains,

les Indignés.

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Bien sûr il y a les guerres d’Irlande
Et les peuplades sans musique
Bien sûr tout ce manque de tendres
Il n’y a plus d’Amérique
Bien sûr l’argent n’a pas d’odeur
Mais pas d’odeur me monte au nez
Bien sûr on marche sur les fleurs
Mais voir un ami pleurer!

Bien sûr il y a nos défaites
Et puis la mort qui est tout au bout
Nos corps inclinent déjà la tête
Étonnés d’être encore debout
Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cœurs perdent leurs ailes
Mais mais voir un ami pleurer!

Bien sûr ces villes épuisées
Par ces enfants de cinquante ans
Notre impuissance à les aider
Et nos amours qui ont mal aux dents
Bien sûr le temps qui va trop vite
Ces métro remplis de noyés
La vérité qui nous évite
Mais voir un ami pleurer!

Bien sûr nos miroirs sont intègres
Ni le courage d’être juifs
Ni l’élégance d’être nègres
On se croit mèche on n’est que suif
Et tous ces hommes qui sont nos frères
Tellement qu’on n’est plus étonnés
Que par amour ils nous lacèrent
Mais voir un ami pleurer!

Lien vers d’autres articles sur Jacques Brel.

Amitiés: Claude Sarfati